samedi 14 janvier 2023

La rose des croisés



En consultant les archives de sa famille, Bérénice trouva des parchemins enluminés.

La rose des croisés apparaissait en lettres gothiques.

Apparemment, il s’agissait d’un titre thématique. Cette hypothèse fut confirmée par l’examen de dessins représentant des chevaliers arborant une bannière pourpre ornée d’une rose d’or.

Est-ce ainsi qu’il fallait se représenter la rose des croisés ? Bérénice parcourut les feuillets pour découvrir un texte révélateur.

«  Moi, Enguerrand de Bretagne, je quitte la terre sainte,  le cœur navré car j’ai laissé à Jérusalem l’amour de ma vie, Yasmina à la brune chevelure et aux yeux noisette soulignés par un fin trait de Kohl.

Je dois rejoindre mon épouse qui m’attend en notre château de Kerbiriou et je redoute nos retrouvailles.

Il y a si longtemps que je l’ai quittée pour aller guerroyer à la demande de mon suzerain que j’ai oublié son visage.

Celui de Yasmina, ma belle d’amour, est inscrit dans mon cœur qui bat à tout rompre lorsque je murmure son nom.

Elle a brodé une rose sur ma bannière et je lui ai juré d’édifier à mon retour un jardin d’amour où brilleront ces fleurs de passion qui m’enivreront de leur parfum ».

Le récit proprement dit s’achevait sur ces mots mais il était décoré de fleurs suaves dont on croyait percevoir les effluves délicats.

Selon la légende, Enguerrand de Bretagne avait confié à un jardinier de renom la conception de son jardin d’amour mais c’est son épouse Clotilde qui en avait bénéficié et non l’amour de sa vie, Yasmina à la chevelure étoilée de jasmin.

Clotilde avait assuré leur descendance en lui donnant trois fils et deux filles puis elle avait souhaité se retirer dans un couvent, l’éducation de ses enfants achevée.

Enguerrand aimait se promener dans le jardin et respirer le parfum des roses.

La subtile fragrance de ces fleurs d’amour lui permettait de revoir en rêve Yasmina, sa bien-aimée.

Un jour, il vit poindre à l’horizon une caravane.

Un cavalier de belle prestance arborait sa bannière brodée de la rose de ses amours.

Il se présenta comme son fils Azur et il lui offrit, de la part de sa mère Yasmina, une multitude de  cadeaux somptueux : vêtements en soie, tapis de laine, draperies de coton brodées d’or et surtout des matériaux destinés à l’embellissement de son jardin d’amour, vasques de marbre, fontaine, volière qui abriterait des oiseaux paradisiaques, des paons et autres volatiles gracieux.

Enguerrand accueillit ce fils d’orient avec les honneurs de son rang, lui présenta ses fils et ses filles.

Une bonne entente régna au château et lorsque les travaux ornementaux de son jardin furent terminés, le prince Azur reprit la route, emportant pour sa mère différents cadeaux de prix : une toile représentant son père, un miroir gothique, de la céramique et de la faïence, des émaux et des rouleaux de lin et de brocart.

De la vaisselle fine et des pots en étain, de l’ambre complétaient cette magnifique collection à laquelle Enguerrand ajouta des bijoux en or provenant de Tolède.

Les parchemins ne livrèrent aucun secret supplémentaire.

Contente d’avoir parcouru le palimpseste amoureux de son ancêtre, Bérénice fit encadrer les parchemins et en décora sa chambre.

Confiante en son avenir, elle attendit patiemment qu’un prince venu d’orient vienne à son tour brandir la rose des croisés sur une bannière pourpre au liseré d’or.

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