vendredi 29 novembre 2019

Une longue attente


Une longue attente
Après le départ de Gabriel d’Occitanie pour sauvegarder son château de Monségur, Laura de Beauregard vécut dans l’attente fébrile de nouvelles.
Elle trompait ces moments d’angoisse en activant ses exercices guerriers avec ses hommes de troupe car le danger était omniprésent dans le royaume.
Les premières lettres de Gabriel parvinrent au château, offrant un peu de douceur à la jeune femme. Elles étaient écrites sur parchemin, dans une élégante cursive tracée en lettres turquoise et , de plus, elles étaient accompagnées de somptueux bijoux célébrant l’Occitanie sous forme de bagues, de colliers et de croix richement travaillés et ornés de rubis et de grenats.
Pour ne pas être en reste, Laura commanda un assortiment d’armes aux forges de Brocéliande et elle broda une chemise de lin destinée à son bien aimé. Roses, pivoines et églantines s’entrelaçaient pour former le plus beau tapis floral qui soit.
Elle se retirait parfois dans le jardin d’amour pour relire les missives qui étaient toutes des chants passionnés destinés à raviver les flammes passionnées qui les avaient embrasées.
« Dame d’amour, chère Laura, il s’en faut de peu que mon cœur ne se brise lorsque je pense à vous, ce qui est une constante, même lorsque je pars avec mes guerriers, revêtu d’une armure sombre pour ne pas être remarqué, afin de constater l’avancée de nos ennemis.
Si d’aventure, je devais quitter ce monde, je vous demande de ne pas sacrifier votre jeunesse et votre beauté et de choisir celui qui saura vous entourer de tendresse et d’amour.
Dans le cas où vous n’en feriez rien, je vous donne rendez-vous dans la Jérusalem céleste où je vous attendrai en chevalier servant.
Belle Laura, je vous aime tant que mon esprit s’égare et que j’embrasse le vent en croyant vous serrer contre mon cœur.
Soyez assurée de ma fidélité et de mon amour incommensurable.
Je m’en remets à Dieu pour que ma destinée soit liée à la vôtre et j’espère pouvoir sauver Monségur qui connaît une période périlleuse.
Je vous quitte en souhaitant que les roses de votre cœur s’épanouissent sous mes baisers ardents.
Votre Gabriel ».
Le temps s’écoula avec l’implacable rigueur du sablier et les lettres s’espacèrent, faute de cavaliers, tous requis pour la sauvegarde du plus beau des châteaux.
Laura avait commandé une cotte de mailles robuste et élégante car elle projetait de se rendre à Monségur pour prêter main forte au chevalier mais elle n’eut pas à mettre son projet à exécution : une terrible et dernière nouvelle lui parvint par la grâce d’un parchemin transmis par une palombe, l’oiseau mythique de l’Occitanie : son bien aimé était mort en livrant une dernière et terrible bataille avec toute la bravoure dont il était capable.
Le château de Monségur avait été pris par l’ennemi.
Les derniers habitants avaient péri dans un horrible bûcher dressé pour l’exemple et ses murailles avaient été démantelées, faisant de ce beau château, altier et superbe, une ruine que chacun viendrait hanter au fil des jours.
Laura ajouta un liseré noir à sa tenue de guerrière et se mura dans un chagrin muet, se promettant d’attendre les derniers moments de sa vie terrestre pour rejoindre son bel et unique amour.

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