lundi 6 novembre 2023

Et vous nous dites, Monsieur l'abbé ?

 


 


Lorsque j’étais enfant, les nouvelles du monde nous parvenaient par la radio. Ma mère vibrait au son de la voix d’André Claveau et compensait son mal de vivre. Son époux, mon père, devenait de plus en plus distant et se passionnait pour la politique.

Le silence était religieux lorsque Geneviève Tabouis énonçait ses fameuses prédictions «  Attendez-vous à savoir » !

Nous écoutions des retransmissions de romans entiers sous forme d’épisodes à rebondissements, Goupil Mains Rouges dont je connais encore des répliques par cœur, La gloire de mon père et le fameux exploit des Bartavelles.

Nous suivions aussi des jeux et l’un d’eux retint particulièrement notre attention : Quitte ou Double !

L’enjeu était de taille, les questions diverses et épineuses se succédaient à un rythme rapide. L’animateur posait la question Quitte ou Double à chaque candidat après une réponse correcte, de manière à ménager le suspense.

Le candidat risquait gros au fur et à mesure que les questions se succédaient. Une erreur et on perdait tout !

Un seul candidat m’est resté en mémoire : il s’agissait de l’abbé Pierre et lorsque l’animateur lui posait l’épineuse question «  et vous nous dites, Monsieur l’abbé » ? je retenais mon souffle, espérant qu’il arrête ce jeu cruel après avoir gagné une somme rondelette. Il pouvait tout perdre !

Or, d’une voix ferme, l’abbé Pierre répondait «  Double » !

Il jouait pour sa fondation d’Emmaüs et une somme raisonnable ne lui convenait pas. Il voulait décrocher le jackpot !

Son immense culture l’aida à déjouer tous les pièges et il remporta la somme maximale du jeu au terme de plusieurs séances qui éprouvaient les auditeurs.

Aujourd’hui, il serait présenté comme l’as des as capable de réussir une épreuve difficile mais, en vérité, l’abbé Pierre quitta le jeu avec une somme considérable de manière modeste, rappelant que les compagnons d’Emmaüs avaient besoin d’argent pour vivre. Ils devaient réaliser des travaux selon leurs compétences afin de bénéficier d’un toit, de la nourriture quotidienne et de leur entretien, ce qui nécessitait un apport considérable de la fondation.

J’ai suivi dernièrement la présentation d’un nouveau film consacré à l’abbé Pierre mais je n’ai pas entendu parler de sa participation à un jeu qui nous tenait hors d’haleine à l’heure du déjeuner.

Ce «  et vous nous dites, Monsieur l’abbé » ? retentit encore à mes oreilles comme un souvenir merveilleux.

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