jeudi 20 septembre 2018

La cantilène des amants


La cantilène des amants
« Blanche comme le lys, fleur royale qui s’épanouit en mon cœur pour prendre l’apparence d’un nénuphar qui vogue sur les lacs de ma mémoire, tu es en moi, ma reine, ma Dame d’amour.
Les faucons de ma volière, mes rapaces fidèles ont remarqué ton absence et ils semblent inquiets.
Nous formons un rempart et, s’il le faut, nous volerons à ton secours.
Si tu m’apparais, ne serait-ce qu’en rêve, en fâcheuse posture ou simplement menacée par une ombre, je me mettrai en route et je galoperai jusqu’à toi, mon amour, avec , comme d’habitude, des chevaliers fougueux et ardents, des soldats aguerris pour encadrer un carrosse empli de coffres précieux, et un autre attelage, confortable pour abriter des dames d’honneur et des bacheliers pour veiller à ton bien-être, dès mon arrivée, mon ange.
Mon amour aux lèvres douces comme la soie, à la chevelure ensoleillée et au corps de reine, je te parfumerai de santal et de myrte et je t’adorerai, comme toujours, à genoux.
Ton amant fidèle et époux ». 
Le parchemin était lesté par des marguerites en diamant, montées sur un bijou en forme de fleur d’amour et c’est naturellement une colombe qui déposa le précieux message, noué d’une faveur rose, aux pieds de la reine.
Picorant quelques grains de millet et buvant de l’eau fraîche servie dans une coupelle de nacre, la colombe attendait patiemment le message du retour.
Vêtue d’une simple mousseline de soie rose, drapée sur l’épaule et épinglée par une fibule en or, Blanchefleur se rendit dans le patio afin d’y trouver l’inspiration.
« Mon bien-aimé, sache que je me meurs loin de toi et que j’ai hâte de retrouver la chaleur de tes étreintes.
Je ne peux en dire plus, de crainte d’accentuer mon désir et mon besoin d’aimer.
Je t’écris de notre patio d’amour et je joins à ma lettre un mouchoir que j’ai brodé pour toi.
J’ai pris pour modèle les roses d’amour qui ont fleuri au bord du lac de Comper où vit la fée Viviane, dans son palais de cristal.
J’y ajoute aussi une pierre de lune que j’ai trouvée dans notre jardin.
Amoureusement à toi !
Blanchefleur ».
La colombe partit à tire d’aile et la dame d’amour, soudain prise d’un accès de langueur inexplicable, s’allongea sur des coussins et somnola dans un état second.
C’est dans cette position que la trouva Jehan d’ Armagnac.
Se méprenant sur sa posture et sur ses paupières mi-closes, il y vit une invitation à l’amour et il eut vite fait de franchir la barrière de mousseline et d’accéder ainsi au jardin d’amour de celle qu’il n’avait jamais cessé d’aimer.
Ses effusions tendres et passionnées atteignirent sa dame dans ce qu’elle avait de plus noble et de plus secret. Dans une sorte de rêve, elle répondit de tout son corps à cet amour illicite.
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, ce fut pour apercevoir dans un rideau de brume, non pas le prince qu’elle aimait mais le chevalier d’ Armagnac qui s’apprêtait , à nouveau, à honorer sa dame d’amour.
« Ne craignez rien, ma bien-aimée, ce secret restera entre nous. Je vais boire à longs traits le calice d’amour qui réside en vous et qui contient des sucs si délicats que je ne pourrai plus désormais m’en priver.
Je suis plus jeune que votre époux et pourrai vous aimer jusqu’à ce que l’ardeur et la force d’aimer se perdent en moi, comme des sources taries qui cherchent une nouvelle vigueur.
Mais en attendant, ma douce toute en soie, je veux vous aimer encore et toujours si vous acceptez de vous abandonner comme vous le fîtes, dans mes bras vigoureux.
Je vous aime à la folie et s’il vous plaît d’être ma Guenièvre, je serai votre Lancelot ».
Puis le comte enlaça à nouveau sa belle, baisa profondément ses lèvres palpitantes de désir et ils s’aimèrent passionnément tandis que les paons faisaient la roue dans ce jardin d’amour si joliment nommé.

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