jeudi 20 septembre 2018

Le retour de Blanchefleur


Le retour de Blanchefleur
Après avoir tendrement embrassé son époux qui lui fit promettre de veiller à sa sécurité, Blanchefleur prit la route, sous bonne escorte, ralliant les caravaniers de la route de la soie.
Ainsi protégés, ils auraient juste à surveiller leur chargement : or, pierres précieuses, ouvrages brodés, ballots de soie, de mousseline et de satin constituaient l’essentiel des bagages.
Le prince n’avait pas pu accompagner sa douce et tendre épouse qu’il chérissait plus que jamais et qui lui avait donné deux magnifiques enfants, Nour et Flor : une chasse au faucon, en compagnie des notables du royaume était prévue depuis longtemps et ne pouvait être décommandée.
Protégée par les chevaliers de la tulipe d’or, Blanchefleur laissait vagabonder ses rêves et ses pensées.
Au fil des étapes,  elle avait l’impression de remonter le temps et de retrouver la vitalité de ses jeunes années. Ce n’était sans doute pas une illusion car elle voyait briller l’œil de ses chevaliers à sa vue et ils durent à maintes reprises, repousser les assauts d’amoureux qui déclaraient leur flamme en toute bonne foi.
Dès son arrivée au château, l’illusion perdura lorsque Louis se précipita pour l’embrasser.
Elle crut voir Eudes, son premier époux, tant la ressemblance était frappante.
Mettant ces phénomènes hypnotiques sur le compte de la fatigue du voyage, Blanchefleur retrouva avec plaisir la quiétude de sa chambre que l’on avait gardée intacte pour un éventuel retour. Elle était fleurie et dotée de rideaux brodés à la mode bretonne.
Les roses d’amour ornaient les vases en abondance et c’est avec bonheur qu’elle découvrit les fleurs dont on lui avait tant parlé et qui étaient à l’origine de la légende merveilleuse qui entourait désormais Nour et Kylian, les amants extraordinaires, aussi célèbres, à présent, que Tristan et Yseult ou Lancelot et Guenièvre.
Une jeune servante, fraîche comme la rosée du matin, lui apporta un plateau où des mets singuliers étaient disposés, galettes de sarrasin fourrées à l’œuf et à l’andouille de Guémené, crêpes à la confiture d’abricots, pastillas à la rose et boissons fraîches, cidre, cervoise ou sirops.
Blanchefleur goûta ces mets appétissants et les trouva délicieux.
Après un bon bain parfumé à la lavande et au romarin, elle se glissa sous les draps et dormit de longues heures, peuplées de rêves et de chants d’oiseaux.
Le lendemain, vêtue de brocart et d’or, Blanchefleur procéda à la distribution des cadeaux, ce qui enchanta tout le monde : une telle magnificence était si rare !
Ophélia et Henri eurent, entre autres cadeaux somptueux, un burnous fait au crochet, ce qui ramena la comtesse à des années lointaines.
Tout naturellement, après le repas composé de vol-au vent à la volaille et à la crème, de laitues et de fromages frais, Blanchefleur prit la décision de regagner le petit palais d’amour que son prince lui avait destiné jadis, à l’écart du château.
Jehan d’ Armagnac se proposa pour l’y conduire et tous deux allèrent au pas de leur palefroi.
Des servantes du château les avaient devancés pour rafraîchir les pièces principales.
Jehan et Blanchefleur prirent place près d’une fontaine, dans un patio lumineux.
Jadis, ma Dame, lui confia Jehan, j’ai éprouvé une folle passion pour vous et j’ai failli tuer votre prince et me livrer sur vous à mille et un outrages, ce dont j’ai honte à présent.
Un ange s’est interposé pour que je renonce à ces violences et je suis reparti à l’aube, décidé à mener une vie chevaleresque, à la hauteur des serments que j’avais prêtés.
Nous avons tous nos moments de faiblesse, lui dit Blanchefleur en lui prenant la main. Soyons amis, voulez-vous ?
Un grand soupir s’échappa de la poitrine du chevalier et il proposa de dormir au palais, dans une chambre d’ami, pour veiller à la sécurité de sa dame, ce qu’elle accepta avec gratitude tant les aléas de la vie pouvaient receler d’épines noires, transperçant le tissu translucide du bonheur.

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