dimanche 28 août 2022

Hubert de Hauteville

 


Hubert de Hauteville

Espérant avoir porté un coup fatal à Dorian de Canteleu, le comte Hubert de Hauteville pressait son cheval noir Diable.

Il avait hâte de se retrouver en son manoir hanté par les corbeaux.

Lorsqu’il entra, ses domestiques lui enlevèrent prestement sa houppelande et ses bottes. Un grand feu flamba dans la cheminée.

Les femmes du château, toutes ravies à leurs fiancés ou à leurs époux pour donner un peu de piment aux plaisirs ressentis par le seigneur des lieux, se jetèrent à ses pieds, les enveloppant de la soie de leur chevelure.

Il en choisit trois, repoussa les autres et commanda qu’on leur serve prestement à souper.

Jarret de veau en pot au feu, cochon de lait rôti, gâteaux de semoule aux amandes et crèmes à la fleur d’oranger rassasièrent le comte et ses créatures.

Les restes des plats furent offerts aux dogues et aux valets.

Du vin grec épais rafraîchit le gosier du seigneur. Il était échauffé par les riches nourritures qu’on lui avait servies.

Des danseurs exécutèrent des gigues endiablées.

Des feux de joie jaillirent spontanément dans la pièce, obligeant les danseurs à sauter pour ne pas avoir les pieds brûlés.

Quelques sorcières chevauchant un balai rivalisèrent d’adresse avec des chauves-souris et des grondements gutturaux éclatèrent comme les signaux des enfers.

Empoignant les femmes par leur chevelure, Hubert de Hauteville les jeta sur l’immense lit de sa chambre, les dénuda prestement et leur fit subir maints sévices en riant aux éclats.

Après avoir assouvi ses désirs, il les poignarda et jeta leurs dépouilles par la fenêtre.

Des serviteurs préposés à ce type d’emploi creusèrent une fosse et y ensevelirent les malheureuses sans leur accorder le moindre signe de bénédiction.

Son forfait accompli, le seigneur diabolique fit changer la literie et dormit jusqu’à l’aube.

Dorian, à son tour, activa le heurtoir du manoir sinistre et se fit annoncer.

Hubert de Hauteville lui réserva un accueil courtois et il ordonna que l’on serve à boire et à manger.

Miches de pain, brioches fleurant bon la fleur d’oranger, boissons chaudes revigorantes parfumées à l’alcool de genièvre garnirent une table où les deux chevaliers prirent place.

Un diable passa et lorsque ce temps mort prit fin, Hubert proposa à son hôte une partie d’échecs.

Un jeu de toute beauté avec des pièces d’ivoire et d’ébène remplaça les victuailles prestement enlevées.

Les deux hommes rivalisèrent d’audace et de réflexion.

Considérant que la partie allait être gagnée par son hôte, Hubert fit un faux mouvement qui renversa les pièces de l’échiquier.

Dorian ne laissa paraître aucun signe de mécontentement.

Il avait joué des parties en Orient avec des princes bien éduqués, ce qui n’était pas le cas de son adversaire.

Se tenant sur ses gardes, il accepta d’accompagner le comte dans une visite de ses terres.

Les champs étaient mal entretenus et les villageois croisés en chemin tremblaient de terreur à la vue de leur suzerain.

Apercevant une jolie bergère qui s’enfuyait en direction d’un bosquet d’aulnes, le comte se procura un plaisir malsain en la capturant comme du vulgaire gibier.

Prêt à lui faire subir les sévices dont il avait l’habitude de jouir, il fut stoppé dans sa course au plaisir satanique par la volonté de Dorian.

Le comte de Canteleu eut à cœur de libérer la bergère dont l’innocence et l’intégrité étaient menacées. Il brandit son écu, sortit son épée du fourreau et il intima à Hubert le cruel l’ordre de rendre à la jeune fille sa légitime liberté.

Hubert de Hauteville n’était pas d’humeur à se battre c’est pourquoi il laissa la bergère s’enfuir, se promettant de la reconquérir par la suite.

Devinant ses sombres pensées, Dorian prit congé de ce dangereux partenaire et il suivit discrètement la jeune fille pour lui porter secours si d’aventure elle encourrait un nouveau danger.

Colombe entra dans sa chaumière et se mit en devoir de préparer la soupe du soir.

La crémaillère attendait que l’on y jette légumes, herbes odorantes et morceaux de volaille.

Elle accueillit son sauveur avec joie et lui offrit des brioches et du lait au miel et à la fleur d’oranger.

Dorian goûta cet en-cas avec appétit puis il parla à la jeune fille pour l’assurer de ses bons sentiments à son égard.

«  Il serait préférable, gente demoiselle, que vous quittiez cette chaumière. Si vous acceptez mon offre, je vous propose une place de demoiselle d’honneur auprès de ma femme, l’honorable Dame Cassandre qui vous traitera avec bonté ».

Colombe remercia le chevalier avec effusion et elle lui proposa le gîte pour la nuit avant qu’ils ne prennent la route pour le domaine de Canteleu.

Dorian accepta la proposition de son hôtesse d’un soir et il sortit couper du bois pour laisser la jeune femme libre de ses mouvements.

La journée fila rapidement, chacun s’activant de son côté.

Dorian fit une belle réserve de bois, faucha les herbes folles, bouchonna son cheval et le mit à l’abri pour la nuit après lui avoir donné du foin et de l’eau fraîche.

Le repas lui procura un grand plaisir qui le plongea dans ses souvenirs d’enfance.

La soupe était d’une finesse inouïe.

L’écuelle ôtée, une omelette crémeuse ravit le palais du chevalier.

Salades et plats de langues à la Lucullus vinrent ensuite réveiller un appétit en berne.

Puis ce furent des crêpes Suzette et des coupes de crème double aromatisées à la violette.

Dorian remercia Colombe avec effusion puis il se retira dans la chambre proposée par son hôtesse.

La nuit aurait été paisible si Hubert de Hauteville n’avait pas voulu gagner la dernière manche.

Furieux de ne pas avoir pu assouvir ses désirs frénétiques, il avait décidé de réserver une surprise à celui qu’il considérait comme son principal ennemi.

Il dépêcha des serviteurs en leur commandant de mettre le feu à la chaumière de la jeune bergère.

Alerté par des odeurs de bois brûlé et des visions de flammes ardentes, Dorian se leva prestement, réveilla Colombe.

Il jeta une pèlerine sur son vêtement de nuit, avisa une fenêtre qui donnait sur l’arrière-cour et le jardin.

Il fit monter la jeune fille sur son destrier Phénix et prit place, à son tour, sur le large dos de sa fidèle monture.

Ils furent bientôt loin de la maison en flammes.

Phénix galopa tant et si bien qu’il parvint rapidement près des murailles du château de Canteleu.

Dame Cassandre embrassa son époux et installa la jeune Colombe dans une chambre proche de la sienne.

Dorian fit un récit circonstancié de son équipée en terrain ennemi.

Il vanta les talents culinaires de Colombe qui rosit de plaisir.

Chacun se félicita de vivre dans un château qui respirait le bonheur et l’on décida de chasser définitivement de sa mémoire le souvenir du maléfique Hubert de Hauteville.

 

 

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