mercredi 31 août 2022

Le castelet des origines

 


Le castelet des origines

Des effluves d’asphodèle et de glycine parvinrent aux voyageurs bien avant que les murailles du castelet des origines de Maheut n’apparaissent à leurs yeux éblouis.

« Je croyais que c’était un château en ruine s’exclama Louis mais il n’en est rien ! Voyez ces murs crépis peints de fresques rappelant celles des églises, une pure merveille !

- Je suis aussi surprise que vous dit Maheut. Le château a sans doute trouvé un mécène car son état initial a nécessité de lourds travaux ».

C’est alors qu’apparut sur le perron une jeune femme richement vêtue de brocart et de dentelle. Elle les invita à se rafraîchir dans son château.

«  Je suis Magdalena de Jésus dit-elle gaiement lorsqu’ils furent assis dans la grande salle d’apparat. J’appartiens à une congrégation de moines et moniales s’apparentant aux Templiers. J’ai reçu la mission de restaurer ce château et de conserver les belles pièces mises au jour par les maçons, les charpentiers, les carreleurs, les mosaïstes et les tapissiers de haute lice.

J’ai eu vent de votre mystérieux passage au château dit-elle à Maheut et j’ai cherché avec beaucoup de soin le moindre objet qui aurait un lien avec votre naissance et j’ai trouvé ceci » :

Elle désigna un tableau qui représentait une jolie femme vêtue richement à la mode d’antan. Bien plus que sa beauté et son charme indéfinissables, c’était une ressemblance frappante avec Maheut qui intrigua les deux voyageurs.

«  C’est fascinant n’est-ce pas ? reprit-elle. J’ai naturellement entrepris des recherches dans la salle d’archives pour en savoir plus et j’ai découvert que la dame du tableau se nommait Aurore des Tournelles et qu’elle était la suzeraine du château lorsqu’il était la pièce dominante d’un riche domaine.

Son époux, Edouard de Rochenoire, parti en croisade avec le roi Saint louis n’était jamais revenu de terre sainte et sa dame avait perdu peu à peu ses facultés intellectuelles et sa mémoire. Elle avait mis au monde peu après le départ de son époux pour Jérusalem un enfant dont on perdit la trace ».

Magdalena de Jésus se tut, laissant chacun interpréter le contenu de ses paroles.

«  Je suppose que ma mère est morte dit Maheut d’une voix étranglée par l’émotion et l’on ne saura jamais qui m’a extraite de mon berceau ni comment je suis revenue au château sous l’apparence d’un enfant abandonné ».

Coupant court à ces interrogations muettes, Magdalena de Jésus invita ses hôtes à prendre un peu de repos dans la chambre qui leur était réservée.

Maheut aura la chambre ivoire de Dame Aurore précisa-t-elle. Quant à Louis, elle lui proposa une chambre où , disait-on, Saint Louis avait dormi.

Les deux enquêteurs acceptèrent cette proposition avec reconnaissance.

Louis des Roselières mit ce temps de repos à profit en écrivant une missive destinée à Dorian de Canteleu.

Il y révélait le contenu des révélations faites spontanément par une personne de qualité.

Sans doute le chevalier sans nom est-il le guerrier disparu lors d’une croisade dit-il en conclusion.

Cependant il reste une énigme à résoudre : comment cet homme disparu il y a une bonne vingtaine d’années, si ce n’est plus, peut-il être resté le bel homme jeune que nous avons reçu au château » ?

Après avoir fait une toilette soignée et s’être vêtu de frais, il descendit dans la grande salle où une belle table était dressée.

Maheut portait une robe qui avait appartenu à sa mère et elle était coiffée d’un hennin au long voile brodé. Ainsi parée, elle avait tout à fait l’air d’une reine.

Pain surprise en forme de cœur, potage aux écrevisses, tourtière forestière fourrée de champignons des bois à la crème, poulet en croûte de sel, marmelades et gelées de fruits précédèrent le bouquet final, une pièce montée royale.

Des pichets de vin Monbazillac circulèrent à la ronde et chacun veilla à ne pas boire plus qu’il ne le fallait ce nectar à nul autre pareil.

 Magdalena de Jésus contait à merveille des épisodes de la la vie extraordinaire du dieu dont elle portait le nom et elle enchanta son entourage en interprétant avec ferveur des paraboles qui prêtaient à la méditation.

Le retour du fils prodigue figurait au nombre des scènes évoquées et Maheut y vit une corrélation avec l’histoire du chevalier sans nom qui portait en son cœur meurtri le prénom de sa dame, Aurore.

N’était-il pas le souvenir vivant d’un amour perdu en raison de la guerre et sa venue au château n’était-elle pas l’expression d’un souhait, celui de reconnaître l’identité de sa fille, cet enfant qu’il n’avait pas vu naître ?

Maheut garda cette hypothèse audacieuse pour elle mais il s’avéra que la même idée vint à l’esprit de Louis.

Ils remercièrent leur hôtesse avec effusion et acceptèrent la nuitée avec reconnaissance.

Ils reprendraient la route le lendemain matin.

Louis escorterait Maheut jusqu’à se demeure puis il partirait en direction du domaine de Canteleu, sa mission étant achevée.

Cette nuit-là, il y eut une pluie d’étoiles filantes et chacun y alla de son vœu, espérant trouver le bonheur en ce monde.

 

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