samedi 6 août 2022

La roseraie

La roseraie

Ce sont les hérissons qui ont donné le signal : le domaine de la Jalousie a retrouvé sa splendeur d’antan.

Les églantiers, les rosiers anciens, les massifs de plantes odorantes et de fleurs offrent leurs parfums aux résidents de la maison de maître tant de fois rénovée et modernisée.

Grand amoureux de la friche environnante, tu as manié la faucille, Bernard, n’hésitant pas à te courber maintes fois pour traquer les herbes folles et tu n’as jamais ménagé ta peine.

Le monde de ton enfance a jailli des profondeurs de cette terre landaise, te rendant la mémoire des gestes précis des journaliers agricoles qui tentaient d’extraire des richesses des dernières pièces de la dot de ta chère maman, si tôt orpheline et mariée à un homme dont l’élégance, la culture et l’autorité naturelle faisaient l’admiration de tous, à commencer, par la suite, par ses gendres.

Mère de quatorze enfants, Bernadette, ta chère maman dont tu portais le prénom, a souffert du décès de deux petites filles, à la suite d’une méningite que l’on ne savait pas encore soignée.

Tu es né, Bernard, entre deux décès, et cette aura t’a servi longtemps de viatique.

Enceinte, Bernadette partait néanmoins dans les champs pour prêter main forte à toutes les personnes qui œuvraient sur les terres afin de nourrir ta famille, à la sueur de son front.

Henri, ton époux, ne ménageait pas sa peine et bien longtemps, avant notre mariage, il mourut après avoir préparé les poireaux qu’il comptait vendre au marché des lices de Rennes.

C’est toi, Bernard, qui l’as trouvé, gisant sur le sol, près des beaux légumes qu’il s’apprêtait à réunir en bottes pour une vente optimale.

Tous ces souvenirs enfouis dans ta mémoire ont surgi lors de ta retraite en aquitaine.

Loin de songer à faire le tour du monde ou de vivre les délices d’une croisière, tu as manié la faucille sans relâche pour rendre à la terre sa beauté naturelle.

Aujourd’hui, un an après ton décès, ton paradis terrestre est préservé car tes fils n’ont pas ménagé leur peine pour entretenir le domaine que tu leur as légué.

Ce n’est plus à la faucille que Jean-Noel fauche les herbes folles. Outillé à la manière d’un gentleman farmer, Jean-Noel, relayé par son frère Jean-Bernard, a fait du domaine de la Jalousie un petit paradis où les légumes alternent avec les fleurs, les roses en priorité.

La roseraie a retrouvé sa splendeur initiale et chacun aime humer le parfum de ces roses anciennes ainsi que celui du laurier jouxtant la plantation de rosiers divers aux fragrances délicates.

Ton domaine est demeuré intact, Bernard et tes fils ont à cœur de maintenir sa beauté aussi longtemps qu’ils seront en mesure d’y travailler car ils veulent que ta mémoire et celle de tes parents resplendissent dans un havre de paix et de bonheur. Que vive la roseraie ! Fidèles aux préceptes de Voltaire, nous cultivons ce jardin pour y maintenir la félicité qui s’attache les valeurs du travail sans lequel on ne peut réussir. Tu peux venir te promener, la nuit venue, dans ces jardins que tu as tant aimés et qui te survivent pour honorer ta mémoire ! Nous t’attendons près de ces rosiers que tu as entretenus avec amour et de ce laurier gigantesque qui proclame à tous les valeurs éternelles de notre souvenir.

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