vendredi 19 août 2022

Dorian, le chevalier de l'extrême

 


Brandissant son épée en faisant des moulinets au-dessus de sa tête, Dorian, le chevalier de Canteleu, le domaine de l’extrême, revint des entrailles de la terre pour porter secours aux habitants de son comté, menacés par le feu.

Hénin soulevé par le vent, Dame Cassandre, sa douce moitié, l’attendait du haut des murailles de son château, Casteldor.

Fleurs de bruyère, de genêt, d’ajonc jaillissant sous les sabots des montures du comte et de ses écuyers, la lande se couvrait d’un tapis odorant.

L’escorte de Dame Cassandre vint à leur rencontre, la bannière du seigneur fièrement déployée par des jouvenceaux.

La table était dressée dans la grande salle du château pour fêter dignement le retour du seigneur.

Poule au pot, dés de veau en gelée, pâtés de volaille en croûte et un amoncellement de pâtisseries régionales, palets de dame, cannelés, gâteau cuit à la broche attendaient le moment de fondre sous la dent des combattants de l’extrême avant qu’ils ne relèvent leur dernier défi.

Et il était de taille, ce défi, puisqu’il s’agissait d’affronter et de vaincre la descendance des dragons de toutes sortes issus d’innombrables légendes qui leur avaient assuré la pérennité.

Des escadrons de chevaliers démoniaques tentèrent de s’interposer entre l’escorte de Dame Cassandre et les combattants de l’extrême.

Les plus maléfiques s’ingénièrent à capturer Dorian et Cassandre mais ils ne purent y parvenir car Dorian joua de son épée Hautecler avec maestria puis il franchit la zone intermédiaire et se porta au secours de sa dame qu’il étreignit fougueusement avant de faire de son corps un rempart.

Satanor, le chef des diaboliques, sonna la retraite, préférant remettre à plus tard la capture convoitée.

Les deux groupes n’en firent plus qu’un et c’est le couple de seigneurs qui ouvrit la marche pour entrer dans le château.

Cassandre souhaita se retirer dans la chambre conjugale et son époux l’y suivit.

Des étreintes passionnées leur apprirent que le langage des corps avait ses clés et sa plénitude.

Dames d’atour et compagnons d’armes firent ensuite leur entrée pour aider les seigneurs à revêtir des tenues d’apparat.

Le chambellan donna le signal des agapes et chacun se dirigea vers la grande salle où un festin attendait les hôtes du château.

Le suzerain et sa dame prirent place côte à côte et le ballet du service commença.

Entre deux plats fusaient les anecdotes, tantôt mélancoliques, tantôt joyeuses, parfois drôles au fil des thèmes évoqués.

Jongleurs, troubadours et musiciens firent leur entrée après que la magnifique pièce montée de choux à la crème caramel ait été honorée.

Un troubadour émut les assistants en psalmodiant une dramatique histoire d’amour.

Des larmes furent essuyées furtivement et c’est dans cette atmosphère romanesque que le heurtoir de la porte fut activé par une main impérieuse.

Un homme de haute taille, vêtu de pourpre et d’or demanda l’hospitalité.

Son escorte avait subi les ravages d’une tempête. Séparé de ses écuyers et de ses hommes d’armes, le seigneur de Hauteville, ainsi se présenta-t-il, avait longtemps erré dans la lande avant d’apercevoir la lueur des flambeaux qui illuminaient la salle d’apparat du château.

Dorian l’invita à prendre place à ses côtés et il commanda pour son hôte de fortune quelques plats raffinés, salmis de palombes, galette de sarrasin garnie d’œufs mollets et d’échine de porc braisée, de l’agneau rôti au miel et pour finir, les pâtisseries les plus délicates de la brigade préposée aux desserts.

Un pichet de vin de Cahors agrémenta le repas et l’on peut dire que le seigneur de Hauteville y fit honneur.

Dorian l’observait à la dérobée car, en guerrier averti, il savait qu’un loup cruel pouvait se dissimuler dans un être de noble lignée et de fière apparence.

Il redoutait surtout que cet homme vigoureux, au beau visage brun et au corps sculptural ne produise un effet poignant sur sa douce aimée, la belle Cassandre à la chevelure bouclée et au doux visage harmonieux.

Mais il avait tort d’éprouver l’aiguillon de la jalousie car, en vérité, Dame Cassandre n’avait d’yeux que pour son époux qu’elle chérissait tendrement et ardemment.

Lorsque la nuit fut tombée et que le chevalier de Hauteville eut été conduit dans ses appartements, Dorian fit doubler la garde de sa porte nuptiale et il ordonna que la vigilance soit de mise vis-à-vis du nouveau venu.

La nuit fut paisible et l’on se retrouva gaiement pour prendre la collation du matin.

Cependant le chevalier de Hauteville avait disparu. Les serviteurs notèrent même que son lit n’avait pas été défait.

Il s’était évaporé comme un rêve, ne laissant derrière lui, sur la table de chevet, un collier de rubis avec ce simple mot : «  à la dame de mes pensées, la sublime Cassandre, à nulle autre pareille » !

Dorian se félicita de sa vigilance : Qui connaissait le but réel de ce seigneur inconnu ?

Dame Cassandre offrit le bijou à sa dame de compagnie car elle ne voulait pas voir s’assombrir le doux visage de son époux en le portant.

Aude aux joues de lys et de roses attacha le collier à son cou, ravie de ce présent princier.

Hélas, un feu brûlant jaillit du collier et il s’en fallut de peu que la dame ne périsse par les flammes.

Cassandre portait toujours sur elle une fiole contenant une eau miraculeuse rapportée de Compostelle ; elle aspergea prestement sa dame de compagnie qui tomba dans ses bras en pleurant de joie.

Elle avait échappé à un destin cruel et chacun trembla en pensant que ce feu dévorant était en fait destiné à la maîtresse des lieux.

Dorian jura de pourfendre le meurtrier et, en dépit des pleurs de sa dame, il fit sonner le branle-bas. Son escouade sortit du château pour aller châtier le chevalier criminel, suppôt de Satan, vraisemblablement.

 

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