Soraya, la reine des poupées

Dans un royaume lointain gardé par des sirènes et des dauphins vivaient les plus belles poupées du monde.

Leur reine, Soraya régissait ce petit monde avec charme et fermeté.

Une nuit, elle eut une révélation.

Si elle organisait une fête et un banquet la nuit de Samain, toutes les poupées se métamorphoseraient en femmes à minuit et le demeureraient pour le reste de leur vie.

Sans souffler mot à quiconque de cette vision, la reine organisa une fête et un banquet.

Elle envoya des invitations aux princes, aux artistes, aux artisans, aux créateurs en tout genre dans tous les royaumes voisins.

Il en vint de partout car de nombreuses personnes étaient intriguées par cette insolite invitation.

Le buffet consistait en un amoncellement de cakes salés et sucrés, de gâteaux aux amandes, de pains raffinés, de fromages crémeux et de fruits savoureux.

Des carafes de vin doux, de jus pétillants et d’eau de source étaient en suffisance.

L’orchestre attaqua La valse de l’empereur de Johann Strauss à minuit, les couples se formèrent et instantanément les poupées devinrent autant de femmes ravissantes.

Elles avaient gardé de leurs origines un élément caractéristique de leur beauté.

Une poupée provençale devint Mireille, l’héroïne de Frédéric Mistral, une poupée orientale se transforma en princesse des Mille et une Nuits et une poupée au teint de rose représenta Alice au pays des Merveilles.

La reine Soraya avait pris la précaution de choisir un véritable prince charmant de sorte qu’elle incarna avec prestance la reine de Saba.

Au petit matin, les couples eurent le choix de rester unis ou de se séparer après avoir vécu une magnifique aventure.

La reine Soraya préféra rester seule pour gouverner son royaume mais elle approuva le choix de sa dame d’honneur, jadis poupée de Savoie, d’être devenue une merveilleuse princesse et de rester à la cour en compagnie d’un prince breton qui avait gardé de son ancêtre Du Guesclin l’âme guerrière et l’épée.

Soraya embrassa sa dame d’honneur et la remercia d’avoir doté le royaume de la fine lame qui lui manquait.

Afin de ne pas renvoyer chez eux les prétendants non retenus les mains vides et le cœur chagrin, la reine les honora de riches présents.

Elle les gratifia d’un petit discours : «  Qui sait, lors d’un prochain Fest-Noz, je choisirai peut-être parmi vous celui qui montera sur le trône à mes côtés et nous donnera le prince héritier du royaume ».

Ces paroles eurent l’effet d’un baume apaisant sur ceux qui avaient été éconduits.

Dans l’attente d’un roi et d’un héritier, le royaume s’enrichit grâce à l’apport des artistes, artisans et concepteurs retenus.

Des échoppes princières poussèrent comme des champignons.

Un cuisinier, un boulanger et un hôtelier de talent mirent en valeur la richesse locale de produits miraculeux.

Des créateurs en ébénisterie, en objets précieux, en haute couture, des architectes et des concepteurs en domotique offrirent au royaume le cachet qui lui manquait.

Des visiteurs vinrent de partout et il se murmura que la reine n’aurait peut-être pas besoin d’ordonner un nouveau banquet pour trouver l’élu de son cœur et le garant de l’île merveilleuse.