mercredi 8 janvier 2020

File la laine


File la laine
Du haut de sa tour d’ivoire protégée par une forêt impénétrable, une jolie princesse, Delphine aux cheveux d’or filait la laine en observant de temps à autre les oiseaux venus picorer sur le chemin de garde entretenu par des serviteurs diligents.
Delphine était de première force au fuseau mais elle veillait à ne pas se blesser car pensait-elle avec justesse, les princes prêts à braver tous les dangers pour venir sortir d’un sommeil profond une princesse endormie à la suite d’une malédiction lancée par une fée offensée, se font de plus en plus rares !
Sa compagne et dame de compagnie Laurette s’occupait du train de la maison circulaire riche en beautés de toutes sortes.
Elles étaient ravitaillées par des escortes de fées circulant en drôles d’engins ailés qui reposaient sur le principe motile des insectes et des oiseaux.
Les journées se passaient agréablement, la princesse répartissant ses journées en ateliers de filature et de lecture accompagnée de séances d’écriture.
La laine filée devenait écheveau et des lutins industrieux se chargeaient de teindre cette matière destinée à devenir tapisserie : l’or, le bleu turquoise, le rouge teinté de pourpre et le vert se répartissaient les zones à colorer.
Cette matière prête à passer au tamis du cercle à broder et autres supports devenait ensuite un chant de grâce et de beauté.
Delphine relatait par ces tableaux peints le quotidien de ses jours. Elle s’enhardit jusqu’à reproduire le visage charmant dont elle rêvait en secret et ô surprise, ce prince se matérialisa et prit place à ses côtés sans mot dire.
Laurette ajouta un couvert et le prince devint tout naturellement un hôte qui fit voler un pan de cette vie si réglementée.
« Ne pensez-vous, princesse, qu’il serait souhaitable que vous sortiez un peu de cette tour : le monde est si beau » !
Delphine émit quelques remarques frappées au coin du bon sens : ne serait-elle pas désarçonnée par ce monde qu’elle ne connaissait que par les livres ?
Je serai à vos côtés dit le prince et je vous protègerai de mon épée si un danger vous menace mais je crois au contraire que cette vie de recluse ne sied ni à votre beauté ni à votre devenir qui ne peut être que grandiose.
Comment sortirons-nous de cette forêt imprenable ? objecta la princesse.
Mais comme j’y suis entré lui rétorqua le prince, par la force de l’esprit !
Et c’est ainsi que les hôtes de la tour d’ivoire prirent congé du monde onirique dans lequel ils s’étaient enfermés et partirent à la conquête du vaste monde, si beau et si appréciable lorsque l’on vient à oser poser un pied devant l’autre pour en faire le tour !

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