jeudi 30 septembre 2021

Pérégrinations


Lors du pot de fin d’année donné au lycée Coëtlogon où j’enseignai durant dix ans en qualité de Professeur en Lettres-Histoire, le proviseur fit d’une pierre deux coups et mentionna les noms des membres du personnel partant à la retraite, ce qui était mon cas.

Notre proviseur avait le souci de l’équité c’est pourquoi tout le monde, à commencer par moi, fut étonné de l’entendre prononcer un éloge en ma faveur, commentant avec un enthousiasme quasi juvénile le parcours incroyable sur le plan géographique de mes affectations, notamment en Bretagne.

Concarneau, Saint-Malo pour la côte, presque tous les collèges et lycées de Rennes et surtout un périple effectué en Ille et Vilaine, dans le Morbihan, les Côtes d’Armor et le Finistère, Mauron, Saint-Méen-le Grand, La Guerche de Bretagne, Fougères, Le Rheu et tant de villes où j’effectuai des stages et suivis une formation, Nantes, Brest, Quimper, Montfort-sur-Meu, furent énumérés par un proviseur enthousiaste, quasi lyrique.

Une collègue retraitée ne put s’empêcher, en s’adressant à moi, de s’insurger contre cet éloge qu’elle trouvait surestimé.

Cependant, si j’ai pu effectuer cet incroyable parcours, véritable odyssée pédagogique, c’est parce que tu me l’as permis, mon cher et tendre Bernard, surgissant à point nommé pour me ramener à la maison en voiture.

Ne conduisant pas pour des motifs médicaux, j’ai dû user d’expédients pour travailler, acceptant des postes difficiles d’accès pour qui ne possède pas son véhicule personnel.

Le rail, le bus, le co-voiturage furent pour moi des auxiliaires précieux mais encore fallait-il que tu me conduises sur les points de ralliements ou dans les gares.

Tel le chevalier volant au secours de sa dame, tu m’apparaissais, à bord d’une modeste voiture, par tous les temps, comme le sauveur ponctuel et prévoyant d’une épouse démunie, son cartable à la main.

J’ai un souvenir précis et inoubliable.

Un jour de grand froid, la principale de Mauron, fidèle à ses principes, pas de collège fermé dans une commune où les parents d’élèves étaient nombreux à travailler dans une usine de construction automobile rennaise, avait suivi un code précis : le renvoi de nos élèves dans leurs foyers par bus, l’arrêt de la cantine et le maintien des professeurs dans leur salle commune pour éviter des problèmes de sécurité routière.

En guise de compensation, elle nous proposa d’emporter du hachis Parmentier destiné aux élèves et qui, du fait de leur départ organisé, serait perdu de toutes les manières.

J’ai reçu une légumière en inox remplie de hachis avec enthousiasme et je suis partie à l’heure H sur la route verglacée.

Mon cartable d’une main et le hachis de l’autre, je marchais avec précaution sur le sol gelé et c’est avec une joie immense que je t’ai vu apparaître, se jouant de la glace d’une main experte.

Tu avais répondu, une fois de plus à mon appel et je n’avais plus qu’à me glisser, à tes côtés, oubliant les heures passées dans le froid au sein d’un collège privé d’électricité.

C’est l’un de mes plus beaux souvenirs car j’ai tout oublié de l’absurdité de la situation pour ne retenir que la chaleur de ton incroyable affection.

Si seulement tu pouvais, à nouveau, venir me cueillir sur la route, c’est avec joie que je marcherais sur les bas-côtés, avec l’espoir de te voir surgir, fidèle, aimant et toujours prévenant !

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