dimanche 19 février 2012

Fable de notre temps



Sur les rives d’un étang vivait un roi soliveau.
Appuyé sur son tronc noué par les ans, un frivole narcisse chantait les louanges de son suzerain.
Survint un jour, venu de pays lointains, un prince caméléon qui devenait crapaud pour charmer les grenouilles. Prêtes à se faire gober par les hérons de sa suite qui se cachaient dans les roseaux, elles sautaient allègrement sur les feuilles des nénuphars, exhibant au soleil leur ventre rebondi.
Au moment même où l’armée de hérons se préparait à fondre sur leurs proies, apparut une bergère qui filait la laine en chantant. Les brebis l’escortaient avec grâce et amour tandis que quelques béliers bougons clamaient haut et fort leurs mérites de droit divin.
Le prince suspendit son geste vengeur.
La bergère était si belle qu’il en oublia sa métamorphose et apparut au grand jour, vêtu de fourberie inique et de drap noir.
Les grenouilles affolées se jetèrent sur le roi soliveau, piétinant le narcisse qui mourut en criant qu’il était beau et incompris.
Les hérons s’envolèrent vers une Egypte mythique pour se fondre dans l’or des sarcophages.
La bergère caressa délicatement les grenouilles et leur promit qu’on ne les mangerait jamais plus.
Quant au roi soliveau, il flotta, indécis, puis sombra dans l’étang qui renvoya, un instant, l’image d’un galion échoué sur les rives d’un autre temps.
Le sacre de la bergère fut royal. Le peuple du royaume s’endormit en rêvant qu’une ère de bonheur s’ouvrait enfin sur un infini blanc.

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