Incité
à la promenade solitaire en son jardin, vêtu de pourpre, couleur qui lui était
réservée, l’Empereur de Chine s’en fut à petits pas, suivi à distance
réglementaire par son fidèle eunuque.
Il
respirait les parfums floraux mêlés aux nuages filés de gingembres et de miel.
Il aperçut, au détour d’une allée, des chrysanthèmes qui resplendissaient dans
les corolles du soleil couchant.
S’approchant
de ces fleurs à la beauté magique, l’empereur fut à peine surpris de voir surgir
de ces bouquets une magnifique jeune femme dont la beauté avait ce rien d’ineffable
et de divin qui sépare les femmes destinées à la passion, des autres, aussi
jolies et désirables qu’elles puissent être !
C’est
avec désespoir que le gardien de son corps et de son âme, le vit disparaître
dans un nuage bleu veiné d’or.
Un
maléfice à n’en point douter ! Ignorant les tourments de celui qui n’était
plus que son ombre, l’empereur allait de surprise en surprise dans un paysage d’outre-miroir
qu’il ne connaissait pas ! Il arriva avec la reine de son cœur dans une
pagode de bois où s’affairaient domestiques en robe de soie et jeunes femmes
ravissantes dans leur kimono fleuri de branches de cerisier.
L’empereur
prit place dans un fauteuil moelleux et la divine beauté commanda musique,
danses et enfin une régalade de mignardises aux parfums si divers que l’hôte
impérial dut réfréner sa gourmandise.
Il
attendait surtout le tête à tête avec la femme de tous les rêves. Elle accepta,
en guise de baiser, de lui offrir son nom, Fleur d’Or !
Réalisant
que c’était la traduction du mot chrysanthème, l’empereur se demanda s’il n’était
pas en danger, une renarde s’étant glissée dans cette enveloppe soyeuse au
sourire charmeur et c’est alors qu’apparut son fidèle eunuque. Il alla droit à
la belle et passa son sabre effilé au travers de son corps.
Puis
le serviteur, garant de la sécurité et de l’âme de l’empereur emmena ce dernier
et ne souffla que lorsqu’il il fut entré dans son palais.
Mais
à dater de ce jour, les jardiniers reçurent l’ordre de couper tous les
chrysanthèmes et de ne jamais en montrer un à l’empereur, fût-ce sous la forme
d’une toile.
Et l’on dit que les
soirs d’orage, des gémissements poignants se font entendre dans les jardins et
ces nuits-là, l’empereur s’endort avec une courtisane poudrée d’or et embaumée
de roses qu’il effeuille, les unes après les autres, en une passion effrénée de
la soie et le velours des fleurs sensuelles de la passion sans fin !
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