mardi 18 novembre 2014

Les chrysanthèmes de l'Empereur






Incité à la promenade solitaire en son jardin, vêtu de pourpre, couleur qui lui était réservée, l’Empereur de Chine s’en fut à petits pas, suivi à distance réglementaire par son fidèle eunuque.
Il respirait les parfums floraux mêlés aux nuages filés de gingembres et de miel. Il aperçut, au détour d’une allée, des chrysanthèmes qui resplendissaient dans les corolles du soleil couchant.
S’approchant de ces fleurs à la beauté magique, l’empereur fut à peine surpris de voir surgir de ces bouquets une magnifique jeune femme dont la beauté avait ce rien d’ineffable et de divin qui sépare les femmes destinées à la passion, des autres, aussi jolies et désirables qu’elles puissent être !
C’est avec désespoir que le gardien de son corps et de son âme, le vit disparaître dans un nuage bleu veiné d’or.
Un maléfice à n’en point douter ! Ignorant les tourments de celui qui n’était plus que son ombre, l’empereur allait de surprise en surprise dans un paysage d’outre-miroir qu’il ne connaissait pas ! Il arriva avec la reine de son cœur dans une pagode de bois où s’affairaient domestiques en robe de soie et jeunes femmes ravissantes dans leur kimono fleuri de branches de cerisier.
L’empereur prit place dans un fauteuil moelleux et la divine beauté commanda musique, danses et enfin une régalade de mignardises aux parfums si divers que l’hôte impérial dut réfréner sa gourmandise.
Il attendait surtout le tête à tête avec la femme de tous les rêves. Elle accepta, en guise de baiser, de lui offrir son nom, Fleur d’Or !
Réalisant que c’était la traduction du mot chrysanthème, l’empereur se demanda s’il n’était pas en danger, une renarde s’étant glissée dans cette enveloppe soyeuse au sourire charmeur et c’est alors qu’apparut son fidèle eunuque. Il alla droit à la belle et passa son sabre effilé au travers de son corps.
Puis le serviteur, garant de la sécurité et de l’âme de l’empereur emmena ce dernier et ne souffla que lorsqu’il il fut entré dans son palais.
Mais à dater de ce jour, les jardiniers reçurent l’ordre de couper tous les chrysanthèmes et de ne jamais en montrer un à l’empereur, fût-ce sous la forme d’une toile.
Et l’on dit que les soirs d’orage, des gémissements poignants se font entendre dans les jardins et ces nuits-là, l’empereur s’endort avec une courtisane poudrée d’or et embaumée de roses qu’il effeuille, les unes après les autres, en une passion effrénée de la soie et le velours des fleurs sensuelles de la passion sans fin !

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