mardi 30 avril 2024

Gavroche des temps modernes




Nanti de la parfaite panoplie du romancier prêt à croquer sur le vif boulevards pittoresques et personnages singuliers, à savoir une sacoche contenant un cahier, un carnet, un carton à dessin, des crayons, des stylos, des feutres, Philippe de Cassel marchait dans les avenues parisiennes comme le loup cherchant sa proie.

Notant mentalement atmosphères et détails architecturaux, martelant le rythme des mots qui affleuraient à son esprit, Philippe sentait son cœur battre tandis qu’une musique s’installait en lui à la manière d’une douce symphonie.

Une brasserie avenante s’offrit à son regard au douzième coup de midi. Il s’installa à une table dotée d’un vis-à-vis, commanda un plat typique de cet établissement citadin , une andouillette et son accompagnement de légumes. Quelques profiteroles au dessert lui donnèrent l’envie de prendre quelques notes pour fixer la matière descriptive qu’il avait engrangée en chemin.

Un léger vin rosé avait dopé  son imaginaire et il se mit à écrire frénétiquement, surpris de voir les mots prendre place avec facilité et justesse.

Un café et un verre de rhum dynamisèrent le tempo du romancier débutant. Cherchant fébrilement le nœud gordien d’une intrigue à la Simenon ou à la Agatha Christie, ses modèles, il fut tiré de cette frénésie d’écriture par le serveur qui, en rôdant autour de sa table, tâchait de lui faire comprendre que le temps de la restauration était achevé.

« Vous devriez aller au café de Flore, Monsieur, si vous voulez écrire tranquillement : là-bas, on soigne les écrivains » lui recommanda Julien, le serveur de son secteur. Il empocha le pourboire avec le sourire car Philippe n’avait pas lésiné sur la somme.

Respectueux du savoir vivre instauré entre personnel et client, Philippe rangea son cahier et ses crayons et partit d’un bon pas vers un endroit où il pourrait poursuivre ses travaux d’écriture.

C’est alors que surgit un Pick Pocket enfant qui tenta d’arracher sa précieuse sacoche.

Philippe avait eu l’habitude des combats de rue dans son enfance et , sa haute taille aidant, il prit l’avantage sur l’apprenti voleur. Ce Gavroche des temps modernes se tordait comme une anguille mais Philippe lui immobilisa les poignets et le contraignit à le regarder en face.

«  Comment t’appelles-tu » ? demanda-t-il à cet enfant vêtu de noir, au regard fuyant.

«  Gavroche » répondit-il avec insolence, tentant à nouveau de s’échapper.

La vue d’un policier qui venait à leur rencontre le doucha sérieusement et il préféra endosser le rôle du jeune garçon qui chahute avec son père.

En remerciement de la non-dénonciation de l’agressé, il accepta de marcher aux côtés de Philippe sans que ce dernier n’ait à le retenir.

D’un commun accord, ils s’attablèrent dans un salon de thé et Philippe, bon prince, commanda une glace qui avait sa préférence, une Dame Blanche. Tous deux savourèrent cette gourmandise qui les plongea dans une sorte d’extase.

Il pourra me dire ensuite pourquoi il a choisi de vivre dangereusement se dit Philippe, oubliant roman et rythmes musicaux.

Il se sentait ému par ce jeune garçon des rues qui ressemblait de plus en plus à ce jeune héros des Misérables : c’était à n’en pas douter, un signe du destin que de l’avoir mis sur sa route !

 

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