mardi 13 août 2019

Dans le coeur d'une rose


Dans le cœur d’une rose
Dans le cœur d’une rose vibrait tout un royaume dont la reine était aussi une fée.
Son prince prenait parfois l’apparence d’un oiseau-lyre pour parcourir les terres gelées des souvenirs lointains.
Apparut un jour une jeune fille, en sabots, cheveux au vent.
Ses vêtements usés et troués en certains endroits contrastaient avec la beauté séraphique de la seule personne qui puisse rivaliser avec la reine.
Yseult, tel était son nom, se présenta à la cour en plaignante.
La guerre l’avait contrainte à fuir son village en feu et de nombreuses jeunes filles avaient subi des outrages de la part d’une soldatesque cruelle et barbare.
Elle n’avait dû son salut qu’à la rapidité de gazelle dont on la gratifiait au village.
L’état de ses vêtements plaidait en sa faveur car elle avait été contrainte à se cacher dans les fourrés pour échapper à ses poursuivants.
Afin de marquer sa compassion et son admiration pour son courage, la reine Rosemonde conduisit la jeune fille dans ses appartements.
Un bain parfumé l’y attendait, des vêtements de nuit en dentelle, satin et soieries, mules brodées d’or avaient été préparés avec soin et l’on apporta à la jeune conquérante un pichet de lait frais et des brioches moelleuses pour qu’elle puisse passer une bonne nuit.
Pour que la réception soit complète, la reine envoya un orchestre de poche, violoniste, violoncelliste et accordéoniste pour lui jouer un aubade.
L’orchestre se retira  dès que la jeune beauté eut donné des signes annonciateurs du sommeil.
Le lendemain, une semblable aubade  incita Yseult à se lever.
De jeunes demoiselles d’atour l’aidèrent à faire une toilette complète et à se vêtir et se parer.
Aussi belle qu’une princesse de conte de fée, elle se rendit à la salle à manger où on lui servit un excellent petit déjeuner.
La reine l’attendait dans le jardin.
Elle s’y dirigea et la trouva assise près d’une pièce d’eau où nageaient des cygnes.
Yseult prit place à ses côtés, sur un banc et toutes deux devisèrent jusqu’à ce que le soleil soit suffisamment haut dans le ciel pour qu’il devienne une gêne.
Elles rentrèrent alors au palais et la reine fit savoir  à la ronde qu’elle comptait organiser un grand bal pour honorer la présence de leur hôtesse.
L’effervescence fut de mise.
Robes, compositions musicales, préparation de buffets, rien ne fut laissé au hasard et l’on envoya des invitations aux quatre coins du royaume.
Enfin le grand jour arriva.
Vêtue de mousseline rose et de satin blanc, les cheveux tressés et ornés de minuscules roses blanches, Yseult fit sensation.
Des murmures approbateurs circulèrent à la ronde et les princes s’empressèrent de lui retenir une danse.
Le bal fut très animé et le buffet reçut une foule de gourmets, heureux de reprendre des forces et de conter fleurette à une belle esseulée.
Cette nuit-là, il se noua tant d’idylles que, par la suite, on fit référence au bal sous le nom de bal des fiancés.
Yseult était très courtisée mais chaque cavalier connut une sorte de déception car, tout en restant courtoise, elle ne laissa aucun espoir de romance possible, ce qui peut expliquer le succès d’autres jeunes filles, plus accessibles.
Après avoir dansé maintes gavottes, valses et mazurkas, Yseult éprouva le besoin de se promener dans le parc du palais.
Une licorne lui apparut et elle prit place dans un carrosse qui semblait avoir été préparé pour lui offrir la féerie d’une promenade inespérée.
Le cocher fouetta les chevaux qui partirent d’un bon train.
Le carrosse était confortable et garni de velours. Néanmoins la dame de compagnie d’Yseult enveloppa sa maîtresse d’une pelisse pour qu’elle ne prenne pas froid en s’endormant et les deux dames connurent un sommeil profond jusqu’au lendemain.
Le soleil frappa aux vitres du carrosse, éveillant les voyageuses.
Lors de cette halte, les chevaux prirent du repos tandis que le cocher se dégourdissait les jambes en courant à petites foulées sur les berges d’un lac où glissaient gracieusement des cygnes et des canards.
Des îlots de verdure les appelaient au large et c’était un ballet incessant qui charmait les regards.
Alors que le cocher et deux laquais partaient en reconnaissance des lieux dans l’espoir de trouver un logement et des vivres, Yseult et Bianca, sa dame de compagnie prirent place sur un banc protégé par des ifs et des saules pour suivre les évolutions lacustres.
Pendant ce temps, au palais de la rose pourpre, on se demandait avec inquiétude ce qu’était devenue celle pour qui on avait organisé un bal fastueux.
Personne n’avait vu le carrosse et par ailleurs on notait également l’absence de Bianca, recrue récente, choisie pour seconder la belle Yseult.
Sa coiffure notamment nécessitait les plus grands soins et beaucoup de dextérité.
On se souvint qu’elle avait été recommandée par un prince qui n’avait pas honoré l’invitation aux festivités et, dans cette mesure, il devint le principal suspect.
On lui envoya une délégation qui revint bredouille.
Furieux d’avoir été soupçonné de la disparition de la jolie fleur du château, le prince Igor fit seller son cheval et informa le grand écuyer de la délégation qu’il se joindrait aux recherches.
Auparavant, il avait à cœur  de faire quelques vérifications.
Interdisant à quiconque de le suivre, il se rendit dans ses domaines éloignés, pensant que Bianca aurait aimé goûter les joies campagnardes en compagnie de sa dame.
Ces portes fermées, il se rendit au palais, non sans avoir préparé des cadeaux pour honorer la reine.
L’arrivée du prince Igor fit sensation.
Une berline emplie de bibelots somptueux, vases de Chine de l’époque Ming, rouleaux de soie, éventails et kimonos brodés fit l’admiration, par son contenu, de toutes les personnes présentes au château.
Une cassette de colliers de perles et de bijoux précieux était destinée à la reine qui se para avec joie et sobriété de ces belles pièces, réservant les plus belles pour Yseult dès qu’elle serait de retour.
Afin de remercier le prince Igor de sa générosité et de son aide apportée aux recherches de sa filleule, la reine commanda aux cuisiniers un festin raffiné.
Pâtés en croute, vol au vent de poularde à la crème, carrés d’agneaux aux champignons et, pour le dessert, gâteaux roulés à la crème d’amandes et religieuses au moka se succédèrent pour la plus grande joie des convives, le tout accompagné de vins de Cahors et de Jurançon ainsi que de pichets d’eau pétillante naturelle et de carafes de sirops de fruits.
Après ces agapes, on décida d’établir un plan de reconquête des fugitives et l’on envoya, à nouveau, des hommes aguerris et quelques femmes diplomates pour recueillir des indices en parlant aux villageois.
Seule, une aïeule aveugle qui charmait petits et grands lors des veillées, par ses contes fleuris parla d’un carrosse tracté par huit chevaux. C’est l’ouïe qui lui avait offert cette révélation. Selon ses dires, les chevaux allaient bon train. Elle put indiquer la direction prise par l’attelage.

La reine décida de suivre l’unique piste qui leur était donnée et elle envoya des émissaires sur cette route improbable.
Le prince Igor fit venir ses meilleurs guerriers et ils partirent fièrement, bannière au vent, pour délivrer les prisonnières car c’était surement d’un rapt qu’il s’agissait !
Or l’organisateur de l’enlèvement n’était autre qu’un enchanteur.

En visionnant dans sa boule de cristal les événements majeurs et divertissants organisés dans les royaumes, il avait eu un coup de foudre pour Yseult.
Sa beauté l’avait littéralement envoûté, c’est pourquoi il avait dépêché ce carrosse et son équipage invisible à autrui afin de charmer, à son arrivée, cette princesse de légende.
Toute de soie vêtue, avec la parure de sa magnifique chevelure, elle s’imposait à lui dans l’éclat de sa divine splendeur.
Il avait fait enlever sa dame de compagnie pour ne pas éveiller les soupçons de sa dame de cœur.
Bianca lui rendrait, de plus, la vie plus facile et plus souriante au palais, paré pour la venue de sa belle.
Il rêvait de faire sienne la beauté d’Yseult, envisageant la venue de petits princes et princesses pour se l’attacher à tout jamais.
Afin de plonger ces dames dans une ambiance romanesque, l’enchanteur mit à profit ses talents pour présenter un décor à la hauteur de ses sentiments.
La salle de réception devint un opéra fabuleux où l’on assistait à des scénettes évoquant des contes de fées célèbres, La Belle au bois dormant, Peau d’âne et autres histoires fabuleuses telles que La Belle et la Bête.
Les chambres étaient une ode à l’amour avec une profusion de petits dieux sculptés ou peints et des psychés ouvragées où l’on découvrirait la splendeur des toilettes et des coiffures lors des réceptions.
Verrines de crèmes de volaille au tapioca, agneau cuit à la broche, préparations champêtres à base de truffes, cèpes et plantes odorantes, tartes aux myrtilles, puits d’amour, cake de Peau d’Ane où se cachait une chevalière aux armes de l’enchanteur furent prestement mis en œuvre pour charmer ces dames.
Lorsqu’elles arrivèrent, elles furent littéralement envoutées par les décors, la musique et la présence d’un jeune homme au physique agréable et à la conversation divertissante et raffinée.
Après avoir bu du thé au jasmin, Yseult et Bianca décidèrent de se retirer afin de rafraichir leur toilette.
Leur hôte  les encouragea à prendre un peu de repos avant de participer à un banquet donné en leur honneur.
La cloche du repas retentirait avec suffisamment d’avance pour qu’elles puissent se parer.
Les délices de ce repas furent sans égales et des intermèdes musicaux et poétiques trompèrent l’attente entre chaque plat accueilli avec admiration tant la décoration soulignait l’excellence des mets.
Troubadours, ménestrels, poètes et monteurs d’ours se succédèrent pour la joie de tous car les convives étaient nombreux à la table du maître et les conversations allaient bon train.
On servit de l’ambroisie et de l’élixir d’angélique.
Enveloppées de douceur, Yseult et Bianca se laissèrent charmer par leur hôte qui rivalisait avec les meilleurs poètes du temps pour leur offrir des madrigaux et des ballades.
«  Yseult, la belle aux cheveux d’or, tu règnes sur mon cœur avec tant de voluptueuse splendeur que les rubis s’échappent de ma poitrine pour que je t’en fasse présent.
Sache que ma destinée est liée à la tienne et que je rêve de m’unir à toi dans une étreinte si passionnée que j’en mourrais si je n’étais pas le bon génie de la plaine où je règne depuis des milliers d’années.
Accepte d’être ma reine, ô Yseult aux grands yeux de porcelaine et je t’aimerai tant que tu ne pourras jamais me quitter ».
Yseult n’eut pas le loisir de répondre à cette déclaration enflammée car il se fit un grand fracas et le prince Igor entra, l’épée à la main.
Surpris, le génie n’eut pas le loisir de déclencher un phénomène d’enchantement et il préféra dissoudre son palais et disparaître dans une tornade dorée.
Les trois survivants du cataclysme se retrouvèrent sur le sable et le cocher obéit aux injonctions du prince Igor qui fit mettre le cap sur le palais de la rose ardente et tous revinrent sains et saufs de ce périple inouï qui fut à l’origine d’une romance entre la belle Yseult aux cheveux d’or et le prince Igor, heureux d’avoir pu charmer celle que tous admiraient.
Les noces furent programmées puis Yseult quitta le palais pour se rendre chez son époux auprès duquel elle vécut de longues années enchantées.
Bianca trouva un époux lors du bal qui suivit la noce et toutes deux restèrent amies jusqu’à ce que la mémoire leur fasse défaut.
C’est ainsi que s’achève cette histoire fabuleuse qui doit rappeler aux jeunes filles qu’il faut se méfier des enchanteurs et de leurs envoutements.




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