mercredi 7 août 2019

La gardienne du Graal


La gardienne du Graal
Après une longue chevauchée, Blanchefleur parvint au château de Ponthus où elle reprit ses habitudes de maîtresse de maison.
Sa chambre était, selon ses désirs, épurée de tout ce qui servait à la toilette et aux accessoires de beauté, se concentrant sur la chevalerie et son environnement.
Elle partit en équipage de guerrière sur les lieux sacrés et observa l’environnement avec attention, repérant l’endroit précis où elle devrait faire son entrée, au milieu du tonnerre et des éclairs si un guerrier impudent s’avisait de s’emparer du gobelet d’or qui était sur le perron pour renverser de l’eau dans la fontaine qui se mettrait instantanément à bouillonner avec furie, déclenchant un orage terrifiant et destructeur.
Jehan de La Bruyère avait accueilli sa dame avec soulagement car s’il s’était toujours acquitté de sa tâche avec précision et dévotion, il ne se sentait pas investi par la tâche sacrée et se disait qu’il ne pouvait être là que pour servir d’intermédiaire avant l’investiture du véritable chevalier gardien de la fontaine.
Il ne s’était jamais du reste installé au château, occupant une aile réservée aux chevaliers de garde en compagnie de son épouse qui était une jeune fille originaire de son village et non une grande dame à qui il ne pouvait prétendre.
Blanchefleur lui confia des présents venus d’orient pour en offrir à la ronde.
Gwendoline et sa maisonnée ne furent pas oubliés et Dorian remercia la dame-chevalier pour la magnificence de ces cadeaux qui seraient les plus beaux ornements de chacun.
La nouvelle du retour de la dame des lieux se propagea et quelques étourdis en furent pour leurs frais : une dame-chevalier, allons bon !
Ils ne purent raconter leurs exploits car Blanchefleur leur apparut dans toute sa splendeur guerrière, dans le tonnerre et les éclairs, et les étendit sur le sol, pantelants, ensanglantés et moribonds !
Ils s’étaient vantés de la reconduire à ses travaux de broderie, bien mal leur en prit !
Jamais chevalier n’avait produit un tel effet aussi terrifiant et l’expression « dans le bruit et la fureur »s’attacha à la personne du chevalier dont on oublia définitivement qu’il s’agissait d’une dame.
Gardée par une personne de cette qualité, la fontaine retrouva des couleurs et des bardes et des druidesses vinrent sur ses bords pour chanter ses louanges.
« Fontaine des amours, ô fontaine chérie par les divinités celtiques, nous venons auprès de toi pour célébrer ta beauté ineffable et ta source miraculeuse.
Le déesse qui sourde en toi et symbolise ton essence incomparable et ton mystère, jaillit avec flamme et nous souhaitons préserver pour toujours ta vénérable ardeur.
La jeune fille qui oindra son front de ton eau sera sauvegardée de toute attaque sauvage et rentrera dans ses foyers, sûre de trouver bientôt un époux qui saura la rendre heureuse.
Le bébé atteint d’une maladie que toutes les plantes de la forêt n’ont pu guérir avec efficacité retrouvera la santé si l’on imprègne les parties malades de son corps avec ton eau limpide.
Enfin, s’il se trouve, par malheur, une personne atteinte de folie, elle retrouvera la raison en buvant cette eau miraculeuse qui peut nous guérir de bien des maux, salutaire grâce à sa source qui puise les forces souterraines de la terre sacrée de Brocéliande » .
Ainsi chantaient, avec des variantes, druides et bardes et bientôt il se trouva des poètes qui s’inspirèrent de l’efficacité et de la beauté de la dame guerrière qui préservait  le patrimoine sacré de la terre celtique pour chanter l’inépuisable valeur de Dame Blanchefleur, garante de l’éternité de leur fontaine qui ne cessa d’être renouvelée par des eaux miraculeuses, dotées des pouvoirs de maitres- sourciers, œuvrant en toute modestie dans ce domaine éternel de la vivifiante beauté.

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