lundi 9 mars 2020

De mémoire de rose


De mémoire de rose
«  De mémoire de rose, on n’a jamais vu mourir de jardinier » disait un poète italien cité par Stendhal, en exergue d’un chapitre de Le Rouge et le Noir.
« Qui est plus beau que les roses » écrivais-je un soir d’internat à l’âge de dix ans et je m’ingéniais, enfant, à recueillir les pétales de roses qui venaient de rendre l’âme pour les poser dans un panier.
Je faisais le tour de « ma rue » pour en proposer la vente et j’étais étonnée des sourires moqueurs qui m’étaient adressés en retour.
Je me figurais que l’on pouvait en faire des eaux de toilette et sur ce point je n’avais pas tort : il me manquait juste le savoir-faire oriental qui transforme les fleurs, notamment celles de l’oranger en parfums.
Un lendemain d’orage, à Marrakech, j’ai vu des femmes ramasser consciencieusement les fleurs d’oranger qui gisaient à terre sur le trottoir.
De mémoire de rose…quel beau livre on pourrait écrire sur ce thème ! J’y mêlerais sûrement quant à moi, une fée qui donnerait à la rose une forme d’immortalité et en ferais un palais où reposerait la plus jolie princesse du monde, aux joues rosées et au teint éclatant.
Alice se promènerait dans des allées où les roses raconteraient leur vécu et se donneraient des répliques qui ne manqueraient pas de piquant.
Pour glorifier les roses, j’aimerais qu’un jour spécifique lui soit dédié et que des poèmes de Ronsard et d’autres écrivains de la Renaissance soient dits à longueur d’antenne, histoire de contrecarrer les effets parfois maléfiques de certaines chansons qui prônent la haine et la laideur.
« De mémoire de rose » devrait jouter avec les formules magnifiant les aïeules : « comme disait ma grand-mère » devient une formule passe-partout qui se veut le sésame d’un consentement, généralement politique et sans réelle consistance.
Ma Grand-mère avait le sens féerique aiguisé et je crois que c’est d’elle que je tiens ce modeste talent : elle plaçait des pièces de vingt centimes dans les boites qui contenaient ses pilules pour le cœur et dès mon arrivée, elle me les donnait en guise de pièces d’or. C’était pour moi un trésor inestimable et je l’écoutais chanter «  Dame Tartine » et autres chansons avec ravissement.
« De mémoire de rose » devient pour moi « De mémoire de Grand-Mère » et je ne leur ferai pas l’injure de les mêler aux slogans qui fleurissent aujourd’hui, me rappelant la chanson qui mourut sur les lèvres de Gavroche.
«  De mémoire de rose » on ne voit pas mourir les fées, dirais-je en modifiant le texte initial et j’invite mes lecteurs à relire mes contes et ceux des grands auteurs, Charles Perrault, Madame d’Aulnoye, la comtesse de Ségur, Andersen et tant d’autres qui nous réjouissent l’âme et nous aident à poursuivre notre route sur les allées où l’on doit se garder des épines !

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