Farandole florale

 

Protégée par sa garde florale, des nymphes au visage de rose, la reine Olympe parcourait son royaume en quête d’une rencontre qui modifierait le cours de son destin.

Assistée par sa dame d’atour, la belle Cléopâtre et son grand écuyer, Ogier le Danois au sourire fin et charmeur, elle allait, explorant minutieusement les sous-bois qui lui étaient inconnus.

Près d’un étang aux reflets d’argent, le trio royal aperçut une jeune fille en tenue campagnarde qui tressait des couronnes de fleurs, roses, iris des marais, jonquilles et lys.

Dissimulé dans un lit de roseaux, un génie des eaux bondit sur Camélia, la jeune artiste, sauta sur le dos d’une carpe koï avec sa proie et disparut dans un brouillard de perles d’eau.

Stupéfait par la rapidité de l’action, le trio royal se ressaisit promptement.

Avisant une barque amarrée près d’un ponton, la reine y prit place, sa dame d’atour à ses côtés.

Ogier le Danois mania les rames avec la maestria de ses ancêtres et ils eurent la chance d’apercevoir dans le lointain la carpe magistrale et ses passagers de fortune.

Le génie des eaux porta la belle Camélia dans ses bras puissants et l’emporta dans son palais de cristal, brillant de mille feux mais invisible aux yeux des humains.

Après avoir tiré la barque sur le sable mouillé, Ogier suivit la piste tandis que la reine et sa dame de compagnie patientaient, assises sur une balancelle improvisée faite de roseaux, d’algues et de coquillages.

La reine envoya un message au palais royal par l’intermédiaire d’une tourterelle des bois.

Dans l’attente d’un renfort qui leur parviendrait du palais, les dames devisèrent de la beauté du spectacle naturel qu’offrait l’étang aux mille oiseaux.

Elles se turent de longues minutes pour savourer la féerie de ces instants puis, lors d’une pause observée par les oiseaux, elles notèrent leurs impressions sous forme de poèmes et de chansons.

Pendant ce temps, Ogier le Danois progressait dans sa recherche en relevant çà et là des fleurs échappées de la couronne façonnée par la malheureuse Camélia.

Ces indices l’aidaient à suivre la piste du ravisseur.

Cependant il se trouva finalement face à une muraille qui lui sembla infranchissable.

Il chercha une porte, une ouverture, un carré de marbre qui pourrait pivoter et révéler un mécanisme déclenchant une ouverture secrète mais il ne trouva rien en dépit d’un examen minutieux.

Une main crispée sur sa hache de guerre, il prit le chemin du retour, craignant que les dames dont il avait la charge ne connussent un péril.

Mais en arrivant sur la grève, il surprit ces dames en train de repousser les avances romanesques de jeunes troubadours qui rivalisaient d’ingéniosité et de créativité pour enchanter la souveraine et sa suivante.

Olympe interrompit le récital et informa son grand écuyer de l’envoi d’une escouade de guerriers pour reprendre la prisonnière enlevée par le génie des eaux.

Pendant ce temps, Onyx, le génie aux mille désirs songeait à tirer parti de sa proie, la douce et merveilleuse Camélia.

Il s’approcha de la couche où elle reposait, un lit de fleurs puisqu’elle semblait les aimer.

Savamment dénudée et protégée par un voile de dentelle rose, elle dormait paisiblement.

Onyx s’allongea près d’elle et lui prodigua de savantes caresses. Cependant sa nuit d’amour fut de courte durée car un galop tumultueux le tira de son extase paradisiaque.

Comment ces cavaliers avaient-ils réussi à franchir la muraille de son palais ?

Tandis que le génie armait sa garde, Camélia reprenait ses esprits.

L’effet des produits aphrodisiaques et neuroleptiques absorbés à son insu s’étant dissipé, la jeune fille, étonnée et choquée de se voir nue sous un voile, chercha ses vêtements, prête à tout mettre en œuvre pour recouvrer sa liberté.

Une nymphe, Dahlia, attachée au génie vint à sa rencontre et la vêtit d’une somptueuse robe, digne d’être portée par une princesse.

Elle tenta de justifier les actes délictueux du génie en mettant en avant l’amour passionnel qu’il éprouvait pour elle.

Soucieuse de ne pas froisser la personne qui lui venait en aide, Camélia feignit de croire ces arguments spécieux.

Elle se laissa servir une collation, thé à la rose et muffins à la cerise.

Les jeunes femmes restaient silencieuses et savouraient l’instant présent jusqu’à ce qu’un bruit retentissant les invite à la prudence.

Dahlia conduisit Camélia dans un boudoir sphérique où régnaient le luxe et la beauté.

Camélia prit un bain, ce qui la détendit puis elle enfila une tenue d’intérieur en soie et en satin.

Ensuite, sur les conseils de la nymphe, elle s’allongea sur un fauteuil Récamier, couverte d’une étole en mohair pour ne pas prendre froid.

Dans leur bulle de verre, les deux femmes semblaient hors d’atteinte de toute incursion violente voire meurtrière.

De son côté, Onyx et ses fidèles guerriers livraient une bataille sans merci contre les compagnons de la reine Olympe.

L’issue de la bataille fut longtemps indécise tant les guerriers des deux bords opposés mettaient du cœur à gagner et à repousser l’ennemi.

Un brouillard bleu flotta soudain sur le champ des lices et chacun se trouva séparé de son compagnon si bien que des situations cocasses se produisirent : tel guerrier croyant s’adresser à son ami s’apercevait, sur le tard, qu’il côtoyait  un adversaire.

Finalement on jugea prudent, étant donné les circonstances, d’opérer un mouvement de retraite.

Prêt à regagner son palais, Onyx n’entendit ni ne vit qu’une énorme boule de feu se propageait dans les rangs de ses combattants et il s’abattit contre la muraille jugée invincible.

Les murs de cristal de roche explosèrent sous l’action des flammes et le palais s’ouvrit en deux, laissant les assaillants médusés à la vue de richesses fabuleuses.

Ogier le Danois qui avait pris la tête du bataillon royal,  pénétra le premier dans ce palais des Mille et une Nuits.

Il fut subjugué par la beauté de Camélia et tomba à ses genoux.

Camélia ne fut pas insensible à cette démonstration amoureuse et lui répondit dans un sourire qu’elle serait heureuse d’avoir un tel compagnon à ses côtés pour le restant de ses jours.

Elle lui demanda cependant la grâce de Dahlia, priant cette dernière de la suivre à la cour en qualité de dame d’atour.

Les jeunes femmes, déjà unies dans les tourments, se sentirent à nouveau très proches et chacun fut heureux de constater le décès d’Onyx, rendu à l’enfer de ses délits par un feu dévorant.

Le palais fut délesté de toutes les richesses certainement dérobées aux habitants du royaume et la reine eut à cœur de doter chaque maison d’un objet utile et précieux, ce qui provoqua la liesse générale au retour de la souveraine.

De jolies noces furent célébrées entre Ogier le Danois et la belle Camélia.

La mariée resplendissait dans une robe brodée par ses soins et une belle couronne de fleurs ceignait ses beaux cheveux blonds.

«  Votre tour viendra ô ma reine » dit Ogier à sa suzeraine et pour toute réponse, Olympe lui offrit le plus beau des sourires car, elle le savait, sa prochaine incursion dans le royaume lui permettrait de rencontrer celui qu’elle chérirait durant toute sa vie.