mardi 3 août 2021

Perle-Amour



Dans un lagon oublié du Pacifique vivait un petit garçon à qui les sirènes, ses marraines, avaient donné le nom de Perle-Amour tant il était beau dans sa nudité drapée de colliers  de coraux, de coquillages et de perles.

Tel Mowgli, au cœur de la jungle, élevé par des loups, Perle-Amour, de son côté, recevait une éducation basés sur la connaissance des ressources de l’océan.

Mowgli avait Shere Khan comme principal ennemi, Perle-Amour, de son côté, devait se méfier du vampire des abysses qui avait l’ambition d’entraîner le protégé des sirènes dans une grotte profonde où il se repaîtrait de son désarroi.

Soucieuses de la destinée de Perle-Amour, les sirènes se relayaient pour lui enseigner les principes fondamentaux de la survie en milieu aquatique.

Quant au rivage , des nymphes prenaient le relais.

Nourri de coquillages cuits dans un bouillon aromatisé aux algues, d’œufs préparés de mille manières, chaque oiseau ou gallinacé acceptant de se séparer d’un ou deux spécimens destinés à faire éclore des poussins, de champignons des bois, de fruits et de gâteaux de riz cuits sur des pierres chaudes de la grève, Perle-Amour grandissait en beauté et en force.

Le soir, il dormait dans une jolie petite maison de bambou, gardé par une licorne et une naïade.

Dotée d’une paire de lunettes à monture d’écailles, une sirène ouvrait, pour lui, chaque jour, un coffre empli de livres, de feuilles d’algues reliées faisant office de cahiers et de plumes qui, trempées dans de l’encre de seiche, lui permettaient de tracer des idéogrammes et des écritures en utilisant plusieurs alphabets.

Lors d’une plongée pour rapporter des huitres perlières à son entourage, l’adolescent trouva une bouteille où s’enroulait un parchemin autour de la représentation miniaturisés d’un beau voilier.

Aidée par le poulpe qui lui servait de scribe, la sirène préposée à l’enseignement réussit à extraire le parchemin pour y découvrir cet appel :

«  Moi, Rose-Amour, princesse des îles marquises, je suis prisonnière du génie marin malfaisant qui me retient dans une grotte ourlée de perles et de nacre. Sauvez-moi » !

Perle-Amour n’eut de cesse de trouver ce repère où un génie détenait une jeune fille en détresse.

Quelque chose me dit que cette princesse est celle que j’attends et dont je rêve chaque nuit pensa-t-il avec tant de force que la sirène comprit ce message formulé mentalement.

C’est de son âge pensa-t-elle et pour satisfaire son filleul, elle mit tout en œuvre pour l’aider à conquérir le cœur d’une belle d’amour qui lui était sans doute destinée.

Les génies marins de sa suite construisirent une robuste et élégante pirogue.

En compagnie de Mélissa, sa compagne de jeux aquatiques dans le monde des sirènes, Perle-Amour mania les rames avec ardeur.

Ils avaient emporté une jarre de poissons cuits, marinés dans le sel des salines et une amphore d’eau parfumée à l’hibiscus ainsi que des petits gâteaux de riz, sucrés ou salés, selon le désir du moment.

Ils avisèrent une crique à la tombée du soir et y accostèrent.

Une grotte leur parut accueillante.

Perle-Amour creusa dans le sable près d’un rocher une sphère d’eau de mer où son amie pourrait s’ébattre.

Il pêcha des coquillages, les fit cuire, selon la coutume insulaire, sur une énorme pierre qui avait engrangé la chaleur tropicale de la journée, prépara un bouillon d’algues et sur une table improvisée grâce à une coquille profonde, ils dégustèrent un excellent souper.

Perle-Amour se retira ensuite dans sa grotte et s’endormit rapidement, bercé par le chant mélodieux de la sirène.

Une autre personne se laissa gagner par la beauté de ce chant : il s’agissait du génie qui retenait la malheureuse Rose-Amour en une grotte lugubre qui ressemblait à une prison.

Alors que Mélissa s’enroulait dans sa longue chevelure pour prendre un peu de repos, le génie bondit sur elle, pesa de tout son poids sur son corps délicat, l’empêcha de crier en lui mettant un masque d’algues sur la bouche.

Cependant, au même instant, Perle-Amour rêva qu’un crabe géant tentait de l’étrangler.

Réveillé en sursaut, il sortit de sa grotte et arriva juste au moment où le génie s’apprêtait à emmener sa proie.

N’écoutant que son courage, Perle-Amour s’élança contre le génie et déjoua toutes ses parades.

Perfide jusqu’au bout, l’être maléfique tenta de l’étrangler en lui enserrant le cou dans un lasso de coquillages bruts, coupants et meurtriers.

C’était sans compter sur la souplesse du jeune homme qui esquiva le geste assassin.

Calant le corps doré de Mélissa sur son épaule, il courut jusqu’à la pirogue, releva l’ancre et pagaya de toutes ses forces pour arriver en pleine mer.

Avisant un atoll, il y fit halte afin de prodiguer des soins à son amie.

Prévoyante, la sirène chargée de son éducation lui avait confié une petite fiole contenant un élixir miraculeux à base de compotée de poulpes et de lait de Lamentin.

Ce breuvage devait pouvoir rendre la vie à une personne dont les blessures conduisaient à une mort inéluctable.

Il glissa quelques gouttes du remède dans la bouche de la sirène, ce qui permit à Mélissa d’ouvrir les yeux.

Tous deux mangèrent une noix de coco puis ils décidèrent d’explorer l’île en espérant y trouver la grotte d’amour dont rêvait le jeune homme.

Effectivement, elle leur apparut, au détour d’un chemin caillouteux.

Gardée par des griffons à l’allure menaçante, elle incitait à la prudence.

Dissimulée derrière une dune, Mélissa usa de son charme et se mit à chanter.

Les griffons ne tardèrent pas à s’endormir, ce qui permit à Perle-Amour de s’avancer dans la grotte.

Il y découvrit, transie de peur, une jolie princesse qui grelottait dans ses habits de soie.

Il lui offrit le collier de perles qu’il réservait à sa dame d’amour, l’enroula dans un pagne qu’il portait sur le dos en cas de besoin puis il emporta la princesse tel un cadeau précieux, pour l’installer confortablement dans la pirogue.

Mélissa plongea dans une vague turquoise pour laisser les deux amants en tête-à-tête et elle disparut en laissant derrière elle une mélopée langoureuse.

Perle-Amour chercha un refuge pour y abriter leur amour et un palais de nacre surgit des eaux du lagon, invitant les amants à y faire halte pour mêler leurs deux corps couleur de miel, s’unissant en une folle étreinte.

Si vous voulez connaître cet endroit merveilleux, adressez-vous à une licorne, elle vous y conduira.

Une sirène de mes amies m’a confié que le couple a vécu une merveilleuse histoire d’amour et que le génie malfaisant a été banni de l’ordre des génies marins pour mauvaise conduite et tentative d’assassinat.

Quant à la jolie Mélissa, elle se consola en trouvant un beau prince naviguant à bord d’un voilier.

Comme elle avait lu l’histoire tragique de La petite sirène, elle ne chercha pas à cacher la queue magistrale qui lui permettait de nager avec aisance et rapidité.

Ils vécurent un amour de sirène, avec passion puis chacun regagna son domaine en gardant précieusement ces moments passionnés qui devinrent une légende courant sur l’écume de la mer.

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