lundi 17 février 2025

Violette en liberty

 



Violette déjà réputée pour sa beauté et le bleu de ses yeux semblable à la fleur dont elle portait le nom, défraya la chronique de son village en arborant une robe qu’elle avait cousue en exploitant un rouleau de tissu anglais, don de sa grand-mère.

Cette robe Liberty créa un choc esthétique et chaque femme souhaita porter une toilette symbolisant l’éternel printemps.

Violette dont les occupations quotidiennes oscillaient entre les travaux d’écriture, l’art de la table et les compositions florales, installa sa machine à coudre à pédales Singer léguée par sa grand-mère Marguerite dans la pièce principale.

Pédalant avec entrain, elle confectionna des toilettes Liberty pour chaque élégante avec l’obligation de diversifier la coupe.

Le village ainsi fleuri et le coupon touchant à sa fin, Violette fit savoir qu’elle était à la recherche de tissus anglais vintage pour contenter les villageoises.

C’est ainsi que John le poète reçut le message. Il adorait le tissage.

Désireux de se rendre en Aquitaine où vivait Violette en hommage à la belle Aliénor, à Richard Cœur de lion et tant d’ancêtres célèbres amoureux de la belle province, il se procura une quantité impressionnante d’échantillons qui dormaient dans les greniers et se mit au travail avec diligence.

Des coupons Liberty en sa possession, il embarqua pour Bordeaux, se promettant de revenir avec une cargaison de vins de Cahors et des grands crus du Bordelais, Sauternes et Saint Emilion en premier chef.

Il se rendit en Tursan où vivait la belle Violette et fut tout de suite subjugué par le fascinant éclat de son regard.

Dans un Français où pointait délicieusement un accent britannique, il vanta l’authenticité de ses tissus et déballa ses coupons avec soin.

Enchantée, Violette paya le tout sans sourciller, certaine de gagner au triple son apport tant les tissus rivalisaient de charme.

Elle conduisit John dans une ferme-auberge de la région où l’on servait la meilleure Poule au Pot du bon roi Henri.

John remercia la belle Violette, l’invita à partager un repas de gala en sa compagnie.

Violette n’était pas insensible au charme de cet artiste britannique mais elle était pressée de faire chanter sa machine à coudre.

Elle argumenta en disant plaisamment qu’elle devait surveiller sa ligne et présenter une silhouette parfaite pour l’harmonie du trousseau qu’elle comptait entreprendre afin d’attirer la clientèle par la fraîcheur et l’élégance de ses tenues.

John accepta sa déclaration avec le sourire et il affirma qu’il avait hâte de voir ses tissus s’animer sur une silhouette princière.

Il attendrait que la jeune fille soit disponible pour déguster les produits fabuleux de la région en tête à tête.

La vieille machine de Marguerite chanta tant et si bien que Violette fit jaillir de ses mains expertes un trousseau complet d’un charme inouï.

Lorsqu’elle porta ces créations au grand jour, elle fit exploser la cote désir des jeunes gens du village tandis que les élégantes se ruaient chez elle pour avoir la primeur d’une tenue qui éclipsait les robes couleur du temps et du jour de la princesse du conte Peau d’ Ane.

Telle Catherine Deneuve arborant une toilette de rêve dans le film Indochine, Violette faisait son marché avec la simplicité et la modestie qui la caractérisaient.

John la croisa par hasard et il eut le souffle coupé en la voyant si belle.

Il tomba à genoux, un bouquet de pervenches à la main et fit sa demande en mariage de manière si charmante que Violette ne put la refuser.

Couple digne de Peynet, John et Violette préparèrent leurs noces.

La robe de mariée de Violette fit sensation. Sur un fond ivoire des amours, des papillons et des oiseaux courtisaient des roses mousseuses et diaphanes.

Violette avait confectionné un gilet pour son époux dans le même coupon.

Les cloches sonnèrent gaiement et dans cette ambiance de fête, le repas de noces se déroula à l’ombre d’une charmille.

Les mets les plus fameux des deux nations s’entremêlèrent pour le bonheur des gourmets.

Salade landaise, magrets au miel et haricots tarbais en sauce, roastbeef, plateau de fromages où le cheddar avait une place de choix, voisinant avec le pavé basque et sa confiture de cerises noires, la mimolette et le maroilles, apple pie, pudding flambé au rhum, gâteau à la broche et pyramide de choux caramélisés à la crème régalèrent les convives.

Ensuite on dansa et les robes Liberty volèrent au vent léger parfumé de lilas et prometteur de bonheur.

Le peintre photographe du village immortalisa les grands moments de la noce puis il se retira discrètement afin de réaliser un livre d’images destiné à rajeunir, par le souvenir, les envolées heureuses d’un jour de rêve.

 

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