Dame Yveline

Dame Yveline

Tandis que les jours s’égrenaient au château de Beauregard au fil des exploits de Dylan, le chevalier de référence par excellence, avec sa belle armure blanche conçue pour rappeler sa filiation spirituelle avec celle de Lancelot du Lac, sa mère, Dame Yveline était à la tâche, sous les ordres de la fée Morgane dans le Val-sans-Retour comme l’avait si bien redouté, Laura la guerrière.

Morgane dont les méfaits ne se comptaient plus, avait remarqué la belle Yveline, endormie avec son fils dans la forêt de Brocéliande et elle l’avait emmenée, toute endormie, dans le dessein d’en faire une servante de choix.

Elle avait préféré laissé l’enfant car elle gardait un souvenir cuisant de son propre fils Mordred qui avait souhaité sa perte.

L’enfant deviendrait ce que le destin lui réservait pensait-elle et elle n’y pensa plus.

Quant à Yveline, elle perdit tout repère de sa vie car la fée Morgane, experte en potions redoutables, lui administra un breuvage qui lui ôta tout souvenir de sa vie passée.

Elle se dévoua pour sa maitresse, accomplissant, entre autres tâches, celle de chercher de l’eau à la source, chaque matin.

Il y avait beaucoup à faire dans le quartier où elle œuvrait, notamment la charge des chevaliers qui avaient été capturés par la fée et qui avaient également tout oublié de leur passé.

Parmi ces chevaliers, il y en avait un qui semblait particulièrement avenant et qui possédait de nombreux talents artistiques, notamment le dessin.

Il peignait de belles fresques sur une anfractuosité de rocher et c’est ainsi que Dame Yveline, devenue servante à tout faire, reconnut son château, celui-là même qu’elle avait fui, avec son fils, laissant son mari, le noble Mériadec aux prises avec l’ennemi.

En allant chercher de l’eau à la source, comme chaque matin, Dame Yveline aperçut une faille dans la barrière rocheuse qui séparait le monde du Val-sans-Retour et la forêt de Brocéliande, si riche en légendes et en trésors.

Elle se glissa dans la faille et recouvrit la liberté.

Marchant d’un pas rapide, délivrée de la potion qui lui obstruait la mémoire, elle retrouva ses automatismes et se souvint de son nom, celui qu’elle avait oublié ainsi que de l’existence de son fils.

En faisant une halte dans les environs de la fontaine de Barenton, elle vit un beau chevalier dont l’armure nacrée luisait au soleil.

« Noble chevalier, toi qui défends la veuve et l’orphelin, je te supplie de me venir en aide. Je suis Dame Yveline et je me suis échappée d’un endroit infernal, régi par la fée Morgane.

Elle m’a enlevée et m’a séparée de mon fils Dylan qui doit être aujourd’hui un jeune homme magnifique s’il a échappé aux risques d’une forêt parfois pleine de ressorts maléfiques.

Je te demande l’hospitalité et je promets de ne causer aucun souci à mes hôtes éventuels car il faut que je me reconstruise avant d’en savoir plus sur mon passé.

La fée Morgane a obstrué ma mémoire en me faisant boire des potions que son mauvais génie dosait de telle manière que nous étions sous sa coupe, inhibés et désireux avant toute chose de ne pas lui déplaire car sa colère pouvait la conduire à la pire extrémité ».

Sans dire mot, tant il était ému, Dylan demanda à son valet d’armes de se charger de la dame et de la ramener au château où Laura, la guerrière, saurait trouver les mots pour l’accueillir.

Le mystère était enfin résolu et après les vérifications qui s’imposaient, Dame Yveline pourrait retrouver son rang et éventuellement, si elle le désirait, un château puisque le sien avait été rasé et incendié par des malfrats à la solde d’un barbare assoiffé de richesses et plein de cruauté.

Le retour au château se fit en silence, chacun respectant le tumulte qui devait bouleverser le chevalier blanc.

Dame Laura réserva un accueil chaleureux à celle qu’elle avait tant cherché, pensant que le fait des retrouvailles de la mère et de l’enfant était un fait à prendre en compte.

Cependant Dame Yveline présentait des failles évidentes dues à sa longue captivité et elle décida de surseoir à des révélations pour ne pas bousculer le rétablissement de cette mémoire qui avait été volontairement obstruée pendant de longues années.

Dame Yveline fut logée princièrement. Des dames de compagnie veillèrent à ce qu’elle ne manque de rien et petit à petit, elle retrouva des forces et sa beauté devenue ruine refit surface grâce à l’efficacité des bains et des onguents destinés à rendre une certaine élasticité à une peau endommagée par des travaux incessants.

Son éclat revint et chacun pensa que, sous peu, on pourrait lui dévoiler, à petites doses, ce qu’elle ignorait.

Dylan dut lutter contre une haine envahissante qui régnait en son cœur. Il n’était pas raisonnable d’affronter l’affreuse fée Morgane qui déshonorait la belle forêt de Brocéliande et il serait nécessaire d’éradiquer cette force du mal qui rongeait la mémoire des preux chevaliers qui avaient combattu pour défendre ses valeurs.

Le temps s’écoula et chaque pièce du puzzle trouva sa place dans l’esprit dévasté de Dame Yveline qui redevint peu à peu la personne rayonnante dont son fils était le plus beau reflet.