L’énigme du chevalier provençal
Les journées passaient agréablement à la cour du roi René et
des soirées à thèmes égayaient les veillées.
Après avoir goûté des mets succulents, les hôtes se
laissaient séduire par des événements littéraires et charmants.
Un soir, un troubadour fit l’annonce d’un poème qui avait
été écrit par un chevalier, disparu depuis la distinction qu’il avait reçue
pour ce beau chant d’amour et se laissant guider par sa mandoline il chanta ce morceau
d’anthologie :
« Ambre
Dame de mon âme, je vous attends sous l’amandier d’amour.
Le parfum des amandes m’inspire une mélodie que je vous
chanterai lors d’un florilège courtois où je l’espère, vous serez conquise.
Ambre, je vous
aimerai tant que vous n’aurez plus de place dans votre cœur pour un autre
chevalier.
Je vais partir vers la forêt de Brocéliande pour vous
rapporter des perles de jade et des fioles d’eau pure en provenance de la
fontaine de jouvence qui vous donnera la jeunesse éternelle.
Ambre, ma mie, je vous aime à la folie et j’espère qu’à mon
retour, vous serez mienne jusqu’à la fin des temps ! »
Le chevalier sans nom, à la recherche de son passé, se
dressa d’un bond, poussa un cri et se dirigea dans les jardins pour retrouver
équilibre et raison.
Dame Laura l’y suivit car elle avait été frappée par la
présence des mots qui constituaient l’énigme du chevalier « amandier d’amour ».
Elle le trouva, assis sur un banc de pierre, se tenant la
tête entre les mains.
Il sanglotait en murmurant : « Ambre, mon amour,
comment ai-je pu vous oublier ? ».
Dame Laura attendit patiemment que son ami retrouve un peu
de sérénité et se permit de poser quelques questions destinées à faire
progresser le retour de la mémoire.
Connaissait-il son nom et son titre à présent ?
Pouvait-il retrouver le château de ses ancêtres ?
En ce cas précisa Dame Laura, nous prendrons congé de notre
aimable hôte à qui je ferai parvenir des présents de Beauregard pour le
remercier de l’excellence de son accueil, et nous renouerons avec votre passé
en prenant contact avec les hôtes de votre château.
Ainsi fut fait et au petit matin, la petite troupe de Dame
Laura se mit en route en se dirigeant vers le château de Beaumiroir dont le
chevalier Aurélien de Bois d’Arcy était le propriétaire.
Pour le chevalier, tout était redevenu d’une étonnante
clarté : il avait retrouvé à la fois son identité, la raison qui l’avait
poussé à partir vers la forêt de Brocéliande et son grand amour dont il se
désolait de ne pas avoir été capable d’en fixer le souvenir.
« Ne vous faites aucun reproche, mon ami, la fée
Morgane a dû vous infliger des doses opiacées très fortes car elle ne supporte
pas les amours chevaleresques, par pure jalousie » lui dit Laura pour le
consoler de cet immense chagrin qui assombrissait le bel azur redevenu
quotidien pour ce chevalier, rendu à sa mémoire.
Les murailles du château de Beaumiroir se profilèrent
bientôt à l’horizon et Dame Laura jugea qu’il était prudent d’envoyer un
émissaire pour annoncer le retour du maître des lieux.
Ce fut une explosion de joie au château car tous étaient
restés fidèles au chevalier et les portes s’ouvrirent avec solennité, au son
des trompettes provençales.
La petite escorte fut accueillie sous les vivats et chacun
remercia le ciel de leur avoir rendu leur fier et vaillant chevalier.
Ambre était présente car elle n’avait jamais voulu croire
que son bel amant l’avait oubliée.
Je vous laisse imaginer le bonheur qui régna dans ce beau
château, si bien entretenu que l’on pouvait deviner la fidélité et l’attachement
de tous pour le noble chevalier que personne n’avait oublié.
Des fêtes furent annoncées mais Dame Laura préféra s’éclipser
afin de rentrer à Beauregard pour s’assurer que tout allait bien et que de
beaux jours de prospérité se profilaient à l’horizon de ses murailles
celtiques.
On reprit donc la route, avec le soulagement d’avoir pu
rendre sa mémoire au chevalier en résolvant l’énigme de l’amandier d’amour !
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