Charlotte sauta de joie à la réception d’une invitation à participer au bal des débutantes.
Certes, elle était baronne et à ce titre elle pouvait prétendre à l’honneur de paraître en robe blanche à cet événement annuel.
Cependant sa mère était totalement ruinée et pour paraître à ce bal, il fallait impérativement se doter d’une somme rondelette pour acheter la toilette complète et se donner, l’espace d’un soir, l’apparence d’une jeune fille de la noblesse.
Charlotte multiplia les petits boulots et lorsque, enfin, elle réunit l’argent nécessaire, elle se prépara à connaître l’effet Cendrillon.
Ongles vernis, cheveux en boucles anglaises sagement nouées par un ruban, diadème de sa mère, escarpins, cape élégante, taxi somptueux ; rien ne fut laissé au hasard et lorsque Charlotte se présenta à la réception du palace où le bal devait se dérouler, elle se vit remettre un carnet.
On lui conseilla de suivre les directives à la lettre et on la conduisit dans une loge.
Collation, coiffure et maquillage se succédèrent.
Durant les moments de pause, Charlotte lut quelques pages d’ Un amour de Swann, son livre préféré qui avait l’avantage de pouvoir se glisser dans le sac élégant qui complétait sa toilette.
Enfin l’heure du bal arriva ; la jeune fille se vit remettre un carton qui portait le nom de son cavalier choisi par la direction : Amaury de Rochenoire.
Le couple se forma et s’apprêta à exécuter la valse de l’ Empereur.
Amaury de Rochenoire avait belle apparence et il se montra parfait en tous points. Excellent danseur, il fit de sa partenaire une étoile, le sourire aux lèvres et le geste précis.
Le bal se déroula comme un enchantement.
Craignant de faire un faux pas, Charlotte dosa ses propos si bien qu’à la fin de la soirée, elle ne connaissait de son partenaire qu’un signalement succinct.
Descendant d’un chevalier qui avait participé aux croisades pour soutenir son suzerain, il appartenait à une noblesse idéale mais désargentée.
Son château était en ruines et il vivait modestement, exploitant un vignoble qui produisait un vin de bonne facture, le Rouge Gorge.
Ce nom plut beaucoup à Charlotte qui se promit d’en acheter un carton afin de prolonger l’effet festif de ce bal unique en sa vie de jeune fille.
Elle revint dans son studio, se dévêtit et plongea dans un sommeil où flottait le visage d’ Amaury de Rochenoire dont elle espérait le retour.
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