Au terme de longues fiançailles qui permirent au jeune couple d’apporter dans la corbeille de la mariée la clef d’un bonheur assuré, on prépara les noces avec sérénité.
La cuvée Rouge-Gorge Charlotte s’était bien vendue. Charlotte avait cousu sans relâche les gilets commandés le soir du bal ce qui apporta un supplément financier appréciable.
Henry Noblecourt s’était excusé pour son geste de dépit. Marié depuis peu, il avait envoyé à Charlotte des rouleaux de soie et de satin, maintenant sa commande de gilets.
Il avait convaincu de riches tisserands de la qualité exceptionnelle des ouvrages de la jeune brodeuse et les commandes s’étaient multipliées.
Grâce à cet apport, Charlotte et Amaury lancèrent des travaux conséquents pour restaurer le château menacé par la ruine.
Les murailles et le toit couvert de tuiles rendirent à la demeure seigneuriale son apparence première.
« Le repas de noces aura lieu dans la salle de réception du château. Nous achèterons des tapisseries d’inspiration médiévale qui rappelleront à nos invités les exploits de mes ancêtres » déclara Amaury.
Charlotte multiplia les broderies et elle eut la satisfaction de participer à la commande de meubles adaptés à une salle seigneuriale, à l’achat de tapis et de tapisseries évoquant la splendeur des vendanges d’antan.
Lorsque le décor fut aménagé avec le respect de la tradition, on conçut une cuisine moderne susceptible d’accueillir une armée de marmitons.
Ce préambule achevé, Amaury vendit une partie des cuvées de prestige qui faisaient sa fierté pour aménager des chambres confortables, un cabinet de toilette. Il fit également construire des logements de fonction pour toutes les personnes travaillant à la préparation de noces prodigieuses.
Henry Noblecourt envoya une somme conséquente pour se faire pardonner précisa-t-il et il insista pour que cet argent serve à assurer le bonheur du jeune couple.
Il envoya de la dentelle pour que la robe de mariée soit somptueuse et dépêcha des couturiers afin de ménager Charlotte à la veille de ses noces.
Cet apport fut reçu avec gratitude et l’on songea aux détails de la cérémonie et à l’élaboration d’un repas mémorable.
Capucine compulsa les livres de cuisine du château et s’inspira des recettes préférées de Colette, célèbre écrivain et gastronome émérite.
De Colette, elle retint sa recette de Bourride, soupe enrichie de poissons nobles, sa Rascasse farcie, son Buisson d’écrevisses et son Court bouillon de homards bretons.
« Je ferai des essais dit-elle et nous choisirons le plat qu’il conviendra de mettre à l’honneur ».
Le vin d’oranges de Colette serait présent sur la table sous forme de carafe.
En ce qui concerne le plat principal, je préconise un cochon de lait farci et rôti avec son accompagnement de légumes de saison.
Des coupes de raisin seront omniprésentes pour rappeler que le maître des lieux était à la fois un noble chevalier et un maître de chai reconnu.
« Qu’avez-vous prévu pour le dessert » ? demanda Charlotte.
Capucine répondit qu’il s’agissait d’une surprise destinée à magnifier la mariée.
Elle s’était entourée en grand secret de dessinateurs, de décorateurs et de pâtissiers de renom pour sublimer la pièce montée traditionnelle.
L’effigie de Charlotte, son nécessaire de broderie à la main, souriante et coiffée de d’anglaises torsadées en petits choux serait étoffée et caramélisée de pâtisseries individuelles à la crème d’angélique et de rose.
Enfin le grand jour arriva.
Invité de marque, Henry Noblecourt était arrivé quelques jours plus tôt avec son épouse, une ravissante jeune femme qui répondait au joli nom d’ Eglantine.
Ultime cadeau, outre des rouleaux de tissus précieux destinés à la mariée, il apportait un riche assortiment de charcuteries régionales pour calmer les appétits.
Le couple fut logé au château dans une chambre d’apparat préparée pour les hôtes de marque.
Lorsque les mariés sortirent de la chapelle du château, rayonnants d’un bonheur chèrement gagné, une pluie de roses et de dragées salua leur entrée dans le monde concret de la ruralité portée au zénith.
Le vin d’honneur allia merveilleusement le Rouge-Gorge Charlotte et les charcuteries lyonnaises offertes par Henry Noblecourt.
Ce pacte d’amitié scellé, chacun prit plaisir à parler, oubliant les tâches quotidiennes et les projets financiers.
Une pluie de roses conclut l’entrée en matière et chacun fut invité à se rendre dans la salle de réception du château où la table, magnifiquement dressée, étincelait de l’éclat des couverts, de l’argenterie et du cristal .
Les coupes de raisin et le vin d’oranges de Colette plurent à tous et l’on fit honneur à la succession de plats ainsi proposés, Court bouillon de homards bretons, Buisson d’écrevisses, Jambalaya Cajun et son jambon à l’ananas clouté de girofles, porcelet farci, salade César et plateau de fromages.
La spectaculaire pièce montée à l’effigie de la mariée suscita l’enthousiasme.
Tandis que l’on découpait en cuisine les parts destinées à chaque convive, des coupelles de crème et de fruits confits circulaient pour tromper l’attente.
Une fois rassasiés, les invités s’égaillèrent dans les jardins à l’anglaise où abondaient camélias, hortensias, roses de Damas et fleurs exotiques.
Les bancs des jardins furent bientôt occupés par des couples désireux de faire plus ample connaissance après ce repas d’une exceptionnelle splendeur.
Les jeunes mariés s’éclipsèrent et goûtèrent les prémices d’une nuit de noces envoûtante et prodigieuse, à l’image de leur couple, à l’unisson pour apporter une note de génie à un domaine enfin retrouvé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire