Evgueni, le Magnifique

 

Le prince Evgueni de Novgorod s’installa dans une belle propriété parisienne qui appartenait à sa famille depuis l’époque impériale.

Musicien de talent, il consacra de longues heures au piano, rêvant de trouver le projet idéal qui le mènerait à la scène.

C’est alors qu’il vit une petite fille d’une telle beauté  qu’il l’imagina, dansant dans un ballet qu’il aurait créé.

Il la fit enlever au sortir de son audition et se félicita de ce geste, certes contraire aux usages civilisés, en constatant l’harmonie qui se concrétisait par la conjugaison de leurs talents.

«  Nous conquerrons le monde à nous deux » pensait-il en diffusant les arpèges dans l’atmosphère féerique de la grande maison.

Au manoir de la rose noire, les journées se succédèrent pour Ambre au rythme des cours particuliers reçus à domicile dans tous les domaines, avec une préférence marquée pour la danse.

Deux professeurs avaient été recrutés pour le perfectionnement de cet art, un pour la technique et le second pour la chorégraphie, ce qui fit d’Ambre une danseuse hors norme.

Les autres disciplines n’étaient pas négligées. Ambre obtint son baccalauréat à valeur artistique avec la mention Très Bien, ce que son mécène et mentor, Evgueni à qui l’on donnait, dans son milieu, l’épithète de Magnifique, reçut avec bonheur comme la plus belle rose de son jardin.

On cherchait une danseuse au théâtre Sébastopol à Lille pour interpréter le rôle majeur dans Le lac des cygnes ; Evgueni inscrivit Ambre pour la présentation d’un essai qui serait décisif pour son recrutement et c’est sans surprise qu’il apprit que sa filleule avait décroché le rôle.

«  Ce rôle convient parfaitement au symbole et aux armoiries de notre maison, noble depuis la nuit des temps » dit-il en serrant la jeune fille contre son cœur et il lui offrit une rose noire montée sur un diamant de belle taille qu’il lui passa au doigt.

« Ma chère enfant, nous voici liés par la devise de la rose noire qui règne sur notre maison : Va vers l’étoile, la rose noire illuminera tes jours ».

Il effleura les lèvres d’Ambre et ce baiser furtif emplit la jeune fille de bonheur car elle était tombée sous le charme de cet esthète depuis le premier jour.

Ensuite, Evgueni régla tous les problèmes logistiques pour que sa douce aimée ne rencontre aucun problème d’ordre financier durant son séjour à Lille.

Il lui trouva un bel appartement, confortable et lumineux. Elle eut un compte bancaire largement approvisionné. De plus, Evgueni recruta du personnel qualifié, cuisinière, lingère, gouvernante, majordome, chauffeur pour conduire la superbe jaguar qu’il avait achetée à son nom, pour ses déplacements.

Il lui constitua une belle garde-robe et n’omit pas quelques parures de choix, un diadème en or, une parure étincelante et des bracelets d’argent.

Reconnaissante pour tous ces cadeaux, Ambre chercha un nouveau baiser mais elle n’en obtint pas, juste une caresse sur la joue, car Evgueni le Magnifique savait qu’à Lille, nimbée de son merveilleux talent, elle rencontrerait nécessairement d’autres hommes et il ne voulait pas tirer profit de son droit de mécène pour obtenir ce qui appartient aux dieux de l’amour !