vendredi 6 octobre 2023

Double jeu

 


« As-tu bien dormi, mon amour ? J’étais désespéré de ne pas être à tes côtés lors de ce séminaire à Rabat mais vois-tu, je t’ai rapporté une petite merveille qui te tiendra compagnie ». Solal tendit à son épouse une ceinture en or ciselé, ce type de bijou exceptionnel et coûteux que l’on offrait souvent lors des fiançailles pour témoigner de son fidèle amour.

Soraya, son épouse, ne se doutait pas des infidélités commises par son mari tant il avait pris soin de cacher ses forfaitures en arborant toujours le masque de l’amant parfait et attentionné.

Elle remercia Solal de sa générosité et partit revêtir une robe d’apparat pour mettre en valeur le cadeau précieux.

Ils menaient une vie tranquille dans une villa cossue du quartier résidentiel de Marrakech, Gueliz.

Solal passait pour un homme d’affaires mais en réalité, la nuit, lorsque sa femme était endormie, il se rendait dans un tripot près de la place Jemaa el Fna et jouait au poker.

Il lui arrivait de perdre des sommes vertigineuses mais les regagnait, soit, à la loyale, en mettant sa chevalière sur le tapis, soit en ordonnant l’assassinat de celui qui avait osé lui prendre sa fortune.

Cet amour total pour le jeu lui avait donné le goût des rapts de jeunes filles, innocentes et belles comme le soleil.

C’est ainsi qu’après avoir joué au casino de Saint-Amand-les-Eaux en France, il avait croisé en prenant une route de traverse la sublime Astrid.

« Il me la faut » s’était-il dit et il avait profité d’un moment où Astrid était seule sur la route menant à l’arrêt de l’autobus pour la chloroformer et la jeter, pantelante, dans la voiture luxueuse qu’il louait pour ses déplacements.

La transporter dans son jet privé avait été un jeu d’enfant.

Ensuite, il avait emmené sa proie dans son riad, l’avait droguée, déshabillée puis conduite dans une chambre destinée aux ébats amoureux.

Il avait différé ses actes libidineux pensant qu’une fois consommée, la jeune fille lui apparaîtrait comme un fardeau dont il faudrait se défaire en la tuant.

Il avait donc joué à la poupée avec la belle endormie, l’avait vêtue à l’orientale pour lui faire connaître le bonheur en lui montrant la place Jemaa el Fna dont il ne se lassait jamais.

Comme le chat qui laisse échapper sa souris pour se réserver la joie finale de la reprendre et de la mordiller avant de la déguster, Solal avait laissé la jeune fille faire quelques pas pour mieux pouvoir l’enlacer.

La nuit de son retour auprès de son épouse, Solal décida qu’il fallait en finir avec sa proie et il partit d’un pas ferme en direction de son palais secret.

Mais lorsqu’il ouvrit la porte de la chambre où la jeune fille allait recevoir ses assauts passionnés avant d’être égorgée, ce fut pour constater avec horreur que la pièce était vide.

Il convoqua son personnel et lui demanda des comptes avec sévérité.

Personne ne fut en mesure de lui dire ce qu’il était advenu de la jeune fille.

Pour oublier ce contre-temps, après avoir donné des ordres à tout son personnel et fait appel à ses sbires pour qu’on lui ramène la jeune fugueuse, Solal se dirigea vers le tripot où il avait coutume de jouer et déchargea son adrénaline en misant des sommes vertigineuses.

L’aube le trouva ruiné mais déterminé, une fois de plus, à retrouver son bien multiplié.

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