mercredi 1 mai 2024

Emile, enfant de la rue

 


Quoi de plus merveilleux qu’une Dame Blanche se disait Philippe en voyant son émule de Gavroche piocher généreusement dans la glace.

Pour justifier la dégaine de son prétendu neveu, Philippe dont l’élégance Proustienne jurait avec les vêtements de l’enfant, avait annoncé à la ronde qu’Emile avait participé à un jeu de rôle et qu’il n’avait pas eu le temps de se changer.

En quittant le salon de thé, notre tandem se rendit dans plusieurs boutiques.

Outre de la lingerie adaptée à son jeune âge, un ensemble confortable et de bonnes chaussures de marche qu’il revêtit  et chaussa sur le champ, Philippe fit expédier à son adresse un trousseau complet.

Emile lui avait conté son histoire, ce qui l’avait profondément ému.

Il vivait avec ses parents dans un petit village tranquille, Wattrelos, jusqu’à l’irruption, un soir, de cambrioleurs qui, après avoir bâillonné et ligoté ses parents, s’étaient emparés de tous leurs biens disponibles et l’avaient emmené pour le vendre à un truand.

Ce dernier dressait des enfants à voler. Si la recette n’était pas suffisante, l’enfant recevait une volée de coups. Dans le cas contraire, il était remercié du bout des lèvres. «  Il faut leur forger le caractère » disait Pierre, le geôlier, ainsi surnommé pour la dureté de son cœur , s’adressant à un tiers, plus enclin à la clémence.

Emile avait reçu le pseudonyme de Gavroche et il s’était montré habile au jeu de tire-laine.

«  Vous êtes mon premier échec » dit-il à Philippe avec un beau sourire, ce qui toucha l’apprenti romancier qui tenait là une trame plausible et riche en rebondissements.

L’arrivée d’Emile fit sensation à la pension et personne ne douta qu’il fût le neveu de Philippe tant il avait ce que l’on nomme un air de famille.

En fait ils possédaient tous les deux une manière identique d’appréhender le monde, naturelle et raisonnée.

Dame Flore conduisit Emile à sa chambre après avoir glissé  à Philippe que cette arrivée impromptue valait bien la lecture d’une page après le repas.

Emile fit honneur à tous les plats ; cette cuisine raffinée le changeait heureusement de son ordinaire, pain, eau et parfois fromage coupé avec parcimonie dans son repaire de brigand.

Après le café, on passa dans le salon.

Philippe lut les notes qu’il avait prises lors de cette première journée riche en émotions. Ces bribes, prises à la volée ,formaient un bel ensemble qu’il intitula Romance d’un jour.

Chacun applaudit, y compris Emile, très admiratif de cet oncle d’adoption tombé du ciel pour transformer sa vie.

Dame Flore offrit à chacun une liqueur de sa composition, de l’angélique, recette qu’elle tenait de sa mère. Emile eut droit à un verre de lait au sirop de fraise maison et pour marquer le coup de son entrée dans la pension, Dame Flore lui fit cadeau d’un livre, Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas.

C’était un très bel ouvrage à la tranche dorée, « mon prix de Français au collège » précisa la brave dame.

Emile embrassa affectueusement l’hôtesse et l’assura qu’il prendrait grand soin de ce magnifique cadeau.

Chacun regagna sa chambre.

Philippe vint voir l’enfant tombé du ciel, vérifia sa toilette de nuit et lui lut quelques pages du roman offert par Dame Flore.

En quittant la chambre, il croisa Violette qui se rendait à la cuisine pour y boire un verre de lait. Il l’accompagna galamment et ce fut un tête à tête charmant qui augurait une romance naissante !

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