lundi 16 septembre 2024

Rubis, l'enfant de l'amour


 


 

De retour dans son royaume avec sa belle Céleste, Mortimer célébra quelques mois plus tard un heureux événement, la naissance de son premier fils qu’il prénomma Rubis en souvenir de l’île à la pierre de feu.

Clotaire lui avait offert une bourse de rubis en provenance de la pierre en l’assurant de son amitié et Tiphaine avait préparé pour Céleste des cadeaux princiers dont un miroir orné de perles et de rubis.

Tiphaine donna des cadeaux similaires à la douce Gisèle qui avait conquis le cœur du géant de l’escorte princière, Victorien, pourfendeur de dragons.

Victorien épousa Gisèle et connut les délices de l’amour fou.

Il adorait sa petite princesse et la couvrait de présents. Bouquets de fleurs, robes de soie , flacons de parfums se succédaient au rythme de ses baisers.

Gisèle mit au monde deux beaux enfants, un fils qui avait hérité de la force paternelle que l’on prénomma Hector et une fille aussi douce et belle que sa mère.

Victorien voulut qu’on la prénomme Bouton de Rose pour rendre hommage à sa dame d’amour.

Les enfants grandirent ensemble.

S’il aimait lutter avec Hector, Rubis éprouvait une immense tendresse vis-à-vis de Bouton de Rose qui grandissait avec bonheur dans une aura florale qui embaumait le palais.

Rubis et Bouton de Rose devinrent bientôt inséparables.

Couverte des baisers enfantins de Rubis, Bouton de Rose palpitait dans ses bras comme un oiseau de paradis.

Propulsés dans un monde magique, les enfants se juraient un éternel amour.

Jouissant d’une grande liberté, Hector avait appris à monter à cheval et il adorait explorer le royaume, escorté par un fidèle serviteur de son père, Ludwig au bouclier d’argent.

Cette vie idyllique trouva néanmoins une rupture : des événements inattendus changèrent la donne.

Victorien revint d’une ronde traditionnelle tuméfié, hagard, avec une perte de mémoire et une parole hésitante et hachée.

En dépit des soins dispensés par les médecins de la cour, il s’éteignit dans les bras de Gisèle qui mourut de chagrin peu après.

Orphelins, Hector et Bouton de Rose furent réclamés par une tante paternelle, Victorine, qui vivait dans une île lointaine.

Les souverains ne purent refuser cette légitime demande.

Céleste prépara un trousseau princier, ajouta des cadeaux de prix destinés à Victorine et un triste matin, les enfants prirent la mer à bord d’une nef spacieuse, équipée pour les longs voyages avec des marins expérimentés.

Rubis caressa longuement les boucles dorées de Bouton de Rose, donna une accolade fraternelle à Hector et accompagna, à cheval, le départ de ceux qui étaient au centre de sa vie.

La nef disparut à l’horizon, laissant derrière elle un nuage pourpre qui déversa des pierres précieuses, des rubis principalement, sur la terre frappée par le malheur.

Rubis versa des larmes et il eut la surprise de les voir se métamorphoser en perles.

Cachant ce prodige à ses proches, il se réfugia dans la pratique de l’art chevaleresque et dans l’étude des chansons épiques magnifiant les exploits des chevaliers héroïques qui traversaient les champs de bataille avec leur bouclier d’argent et l’écharpe de soie de leur dame d’amour.

«  Bouton de Rose, si, un jour, tu as besoin de mon aide, je traverserai l’océan pour te secourir » se promit-il et il envoya ce message à son adorée par l’intermédiaire d’une colombe.

 

dimanche 15 septembre 2024

Retour triomphal

 



Serrant précieusement sa promise contre sa poitrine, Victorien se laissait envahir par son parfum, jasmin et rose, pressentant une nuit de noces passionnée.

De son côté, Mortimer se faisait une joie de retrouver la douce Céleste dont le corps lui avait laissé une impression soyeuse et si tendre qu’il souhaitait en faire son épouse si elle consentait à quitter la cour pour vivre dans son royaume.

Une telle félicité ne lui était jamais arrivée !

J’adopterai ses petites filles et les chérirai comme il se doit. Elle a encore le temps de me donner de beaux enfants qui m’aideront à gouverner après avoir reçu une solide éducation. Ce seront des fils se disait-il, confiant en sa bonne étoile.

J’étais venu pour des rubis et je quitterai ce royaume, si Dieu le veut, avec les roses pourpres de la passion.

Tout à sa rêverie, il ne vit pas poindre à l’horizon une nuée de dragons ailés qui souhaitaient venger la mort de leur souverain.

Victorien galopa pour mettre sa douce Gisèle à l’abri, revint aussi vite , sabre au clair pour repousser les assaillants.

Clotaire sécurisa les dames, Tiphaine son épouse et ses suivantes puis il troqua son palefroi contre un destrier, invitant Mortimer à l’imiter et il poussa son cri de guerre Tiphaine-Rubis.

Ce cri galvanisa les guerriers de l’escorte et rallia ceux qui étaient restés au palais.

Alors que les dames tremblaient pour leur époux ou leurs amants, ces derniers s’en donnaient à cœur joie, coupant les ailes de ces volatiles dangereux et plongeant leur épée au seul endroit sensible de la bête, son cou.

Se protégeant comme ils le pouvaient pour éviter les flammes, ils combattirent si vaillamment que le repli des dragons encore en vie ne se fit pas attendre.

Soulagés, les guerriers victorieux rentrèrent au palais pour panser leurs blessures et retrouver une allure royale ou l’élégance du gentilhomme.

Mortimer plongea avec délices dans un bain parfumé, reçut les soins attentionnés de sa dame d’amour, Céleste, qu’il enlaça ensuite passionnément en lui murmurant des serments.

Victorien imita son suzerain sans faire venir sa douce Gisèle : «  Je respecterai les codes courtois de la cour et n’effleurerai son corps merveilleux qu’après des noces ardentes » se promit-il.

Les serviteurs du palais préposés aux tâches ardues partagèrent les dépouilles des dragons avant de les enterrer.

Une pluie de rubis jaillit de leurs corps ensanglantés.

«  C’est donc la clef du mystère pensa Mortimer. La pierre de feu et les dragons sont les deux facettes du trésor royal » conclut-il .

Heureux de cette découverte, il entraîna la belle Céleste, son véritable trésor, dans l’alcôve mise à sa disposition et explora avec délice les replis merveilleux du corps de son amante qui serait bientôt officiellement sa reine d’amour.

 

samedi 14 septembre 2024

L'expédition


 


Surexcité à la perspective de voir cette pierre convoitée, le prince Mortimer eut de la peine à trouver le sommeil ; il promit une bourse d’or à celle qui pourrait l’aider à plonger dans le monde du rêve.

L’une des suivantes de la reine, Céleste, veuve et mère de deux petites filles, accepta la proposition et elle parvint à endormir le prince sans subir de dommages tant son art du bercement était complet.

Munie de la précieuse bourse d’or, elle s’éclipsa et rejoignit Aurore et Bénédicte, ses filles bien aimées.

Mortimer s’éveilla de bonne humeur, réclama la présence de Céleste pour le petit déjeuner.

Après un tendre baiser de remerciement à la gente dame, il se présenta dans le hall  du palais.

Clotaire et Tiphaine, élégants dans un costume ample, l’engagèrent à les suivre dans une randonnée équestre.

Le couple royal avait fait seller un palefroi afin d’indiquer à leurs sujets que la guerre n’était pas à l’ordre du jour.

Mortimer bénéficia d’une semblable monture et c’est ainsi qu’il chevaucha, à distance respectable du couple escorté par une dizaine de chevaliers prêts à affronter un ennemi éventuel.

De son côté, Mortimer avait choisi trois compagnons fidèles, Godefroy dont l’olifant était célèbre, Aymeri à l’agilité sans égale, capable de déjouer toutes sortes de maléfices et Victorien, un colosse impressionnant par sa stature, son crâne rasé et ses tatouages. Un pur-sang réputé pour sa hauteur au garrot fut mis à sa disposition.

Le cortège s’ébranla.

Céleste agita son mouchoir brodé du haut des remparts, envoyant un baiser à Mortimer qui ressentit une forte émotion.

Le doux visage de Céleste présent à son esprit, il aurait presque oublié le but de son voyage, la pierre de feu, jusqu’au moment où elle apparut dans un cercle pourpre parsemé de rubis.

L’escorte s’arrêta à quelques toises du lieu sacré.

«  N’allons pas plus loin dit Clotaire à son invité, nous serions grièvement brûlés ».

Il demanda ensuite au dessinateur officiel de la cour de prendre des croquis à destination de son hôte.

Laissant la pierre de feu effectuer son rituel précieux, les participants à l’excursion prirent du champ et demandèrent l’hospitalité à une famille gardienne du Graal quotidien du royaume.

Anselme et son épouse  Apolline firent dresser une table pour tous et chacun trouva bientôt le réconfort d’une fricassée de poulet aux légumes parfumés et de gelées de fruits accompagnées de sablés au bon beurre frais.

Son rêve exaucé et son appétit satisfait, Mortimer se laissa aller à une douce rêverie dont Céleste était le centre.

C’est alors qu’un dragon ailé, crachant le feu, apparut à l’horizon.          Il s’empara de la première dame d’honneur de la reine, Gisèle qui portait son ombrelle, son éventail et une tenue de rechange.

Gisèle aurait été irrémédiablement perdue si Victorien ne s’était pas précipité pour le pourfendre d’un coup de sabre.

Le colosse fut remercié par tous. Toute rougissante, Gisèle lui donna un baiser ce qui décontenança le fier guerrier.

«  Sieur Victorien, je vous donne l’autorisation de faire la cour à Dame Gisèle si elle y consent ».

Le colosse mit un genou à terre et offrit son énorme main striée de cicatrices à la suivante de la reine qui plaça sa petite main blanche dans sa paume en signe d’assentiment.

«  Je propose que nous partions à présent afin de célébrer officiellement ces fiançailles en devenir » dit gaiement Tiphaine.

On remercia les hôtes pour leur accueil.

La dépouille du dragon fut répartie parmi les amateurs, langue, dents, écailles de feu, griffes dont on ferait des objets ciselés.

Sa chair n’étant pas comestible, on l’enterra puis la petite troupe s’éloigna, passant des rubis de la pierre de feu aux diamants de l’amour.

 

jeudi 12 septembre 2024

La pierre de feu

Dans un royaume paisible géré par un roi lettré Clotaire le sage en compagnie de son épouse Tiphaine dont la beauté inspirait les trouvères, se trouvait une pierre de feu.

Au centre du royaume, cette pierre incandescente rejetait des rubis qui servaient à assurer la richesse du coffre royal.

La notoriété de cette pierre miraculeuse se répandit dans les royaumes voisins.

Sous le prétexte d’une visite de bon voisinage, le prince Mortimer dirigea une délégation.

Des cadeaux d’usage, fibules en argent, chandeliers d’or massif, tonnelets de viandes et de poissons marinés et salés, vêtements précieux furent offerts aux souverains qui organisèrent une réception festive en guise de remerciement.

Le prince et ses principaux collaborateurs furent conduits dans leur suite tandis que les guerriers étaient logés dans les communs.

On se réunit à table et les plats se succédèrent selon un protocole établi depuis la création du royaume.

Légumes au miel servis dans de grands plats de marbre.

Ensemble de viande avec des potages et une poire.

Multiplication de plats, hure de sanglier, daube de bœuf, daurade au miel et aux amandes, crustacés et sauce pimentée, blancs de volaille servis avec un assortiment de légumes et de fruits déguisés.

Des fruits, pommes, noix, noisettes et amandes, pâte de coing terminèrent ce repas de fête.

Mettant à profit le moment où un échanson préparait des hanaps d’hydromel, de cervoise et d’eau fruitée, le prince Mortimer aborda le sujet qui était le motif réel de sa visite.

«  On m’a dit que vous possédiez une pierre de feu miraculeuse dont les rubis sont le garant de votre royaume » glissa-t-il à son hôte.

Clotaire sourit et répondit en disant avec sagesse que la pierre de feu ne lui appartenait pas et que seules la beauté et l’intelligence de son épouse Tiphaine étaient la pierre angulaire de son royaume.

Il ajouta cependant que si la pierre de feu intriguait son hôte, il organiserait une expédition pour le lendemain afin que Mortimer se rende compte par lui-même de la mesure du phénomène.