Ruban d'amour

 

Rubis fut introduit avec chaleur auprès de Victorine. Des appartements pour lui-même et sa suite signifièrent qu’il était un hôte de marque.

C’est avec délicatesse que le jeune homme présenta les cadeaux réservés à la propriétaire des lieux. Tout avait été prévu y compris les rubis à l’origine de son nom.

«  Je les reçois avec d’autant plus de gratitude qu’ils me rappelleront le rôle éminent de mon frère dans la quête de ces pierres. On m’a rapporté ses exploits et j’en suis émue au point de considérer ces fragments de feu comme une partie de son corps ».

La déclaration de Victorine mit Rubis dans l’embarras et l’empêcha d’aborder le sujet qui lui brûlait les lèvres, Bouton de Rose !

Il s’inclina, baisa la bague ducale de Victorine et se rendit dans sa chambre.

«  Un dîner sera donné en votre honneur dit la gente dame. Je vous enverrai mon écuyer pour qu’il vous conduise à la table du festin ».

Rubis prit un bain, se reposa, lut un ouvrage qu’il avait emporté dans ses bagages, Le Roman de la Rose, adapté aux circonstances.

Il revêtit un costume de velours qui avantageait sa silhouette et attendit patiemment la venue de l’écuyer.

Le repas tint ses promesses. Bouillon de volaille, chaud-froid de poulet et jardinière de légumes, darnes de saumon à l’oseille, gâteau à la broche et gelée de fruits se succédèrent magnifiquement.

Cervoise, vin clairet et hanaps d’hydromel furent servis avec élégance.

Rubis fit honneur au festin mais il avait la gorge nouée en pensant à Bouton de Rose, son obsession.

On desservit promptement. Victorine claqua des mains et une troupe de musiciens apparut.

Rubis n’avait pas le cœur à la fête mais le code de la politesse l’obligea à faire bonne figure.

Grand bien lui en prit car au moment où il se sentait seul et désespéré , Bouton de Rose apparut dans une robe de mousseline, son ruban à la main.

De la pointe de ses chaussons, elle dansa en faisant voler le ruban en volutes vertigineuses.

Rubis ne put retenir ses larmes et des perles jaillirent sur la scène, cascadant comme autant de mots d’amour adressés à l’élue de son âme.

Ce prodige stupéfia l’assistance et lorsque Bouton de Rose acheva sa danse, elle se jeta dans les bras de celui à qui elle n’avait pas cessé de penser.

«  Cette danse d’amour, c’est pour toi » dit-elle et Rubis sortit de sa poche le fabuleux collier de perles confectionné avec ses larmes.

«  Voilà pour toi, mon amour : depuis ton départ, je n’ai pas cessé de penser à toi, me retranchant sur le rivage pour pleurer en solitaire. J’ai vu jaillir de mes yeux ces perles miraculeuses que j’ai fait enchâsser pour toi ».

Si je comprends bien, conclut Victorine en souriant, je n’ai plus qu’à préparer un repas de fiançailles pour vous unir !

Rubis enlaça sa dame d’amour puis tous deux partirent vers le jardin afin de se raconter les mille riens de la passion.

Les poèmes Ruban d’amour furent l’apothéose de cette soirée qui s’acheva par une promesse de bonheur.