Le prince Bonheur du Jour

 

C’est une cigogne qui annonça la venue au monde du prince Bonheur du Jour. Ses heureux parents, Nadir et Dahlia donnèrent ce nom approprié au moment en se réservant un choix ultérieur.

Bonheur du Jour naquit à l’aube et un quatuor d’alouettes salua sa beauté auréolée d’un rose fuchsia.

Le même jour, à la tombée du soir, naquit une petite fille dans la modeste maison d’un pêcheur de perles.

Sa mère décéda des suites d’une fièvre puerpérale. Avant de rendre le dernier souffle, elle souhaita que sa fille porte le nom de Fleur de Lune, ce qui fut fait.

Le malheureux père porta l’enfant au palais car il se trouvait dans un total désarroi et ne savait comment nourrir le bébé.

Fleur de Lune reposait dans un couffin garni de kapok, de soie et de dentelle comme s’il se fût agi d’une princesse. Un hochet de perles confectionné par sa maman reposait à ses côtés.

Elle était si belle et la tristesse du père était si profonde que Dahlia prit la décision d’allaiter la petite fille en même temps que son fils.

«  Il y a un petit décalage dans leur venue au monde dit-elle à Nadir pour le rassurer. La tétée n’aura pas lieu en même temps et je ne manquerai pas de lait pour subvenir à leurs besoins ».

Ne sachant comment remercier la souveraine, le pêcheur de perles offrit une bourse pleine de splendeurs océanes dont la quête était son quotidien.

Nadir le fit raccompagner avec des provisions et des présents en tout genre. Une suivante du palais resterait auprès de lui afin de préparer les plats du jour et assurer la tenue du logis.

Bonheur du Jour et Fleur de Lune grandirent côte à côte.

Dans le langage enfantin de la petite fille, Bonheur du Jour fut simplifié en Jour. Sur les lèvres du prince, Fleur de Lune devint Fleur.

Nul ne leur dit qu’une barrière sociale les séparait tant ils étaient unis, s’aimant tendrement au point de ne supporter aucune séparation, aussi brève fût-elle.

Lorsqu’ils eurent sept ans, le pêcheur de perles revint au palais chercher la petite fille.

L’évolution de sa situation personnelle lui imposait ce choix : des liens s’étaient noués entre la suivante Ophélie et lui ; de ce fait il pouvait assurer l’avenir de l’enfant.

Pour montrer sa reconnaissance envers les souverains, Alban, le pêcheur de perles se présenta avec un panier d’osier garni de perles et de bijoux évoquant les splendeurs marines.

Outre le retour de sa fille Fleur de Lune en son foyer, Alban sollicita le consentement du couple princier à son union avec Ophélie dont il était épris.

Par ailleurs, prenant de l’âge, il craignait de ne plus pouvoir remonter à la surface océane après sa collecte de perles. Se reconvertir en pêcheur de poissons prisés dans l’île devenait son objectif majeur.

Le prince accepta les demandes du pêcheur mais concernant la petite Fleur de Lune, il proposa qu’elle ne soit pas emmenée sur le champ, l’enfant s’étant habituée à un environnement particulier prodigue en amour : son épouse Dahlia avait traité la petite fille avec la même affection maternelle que pour son propre fils.

Le prince ajouta que les enfants étaient liés de telle sorte qu’ils ne supportaient pas la moindre séparation.

Alban, ainsi informé,  accepta qu’un délai soit accordé pour le retour de l’enfant.

Il observa les enfants qui jouaient dans le jardin et put constater leur connivence.

Il prit le chemin du retour, chargé de cadeaux destinés à sa future épouse.

Rouleaux de soie, éventails, robes d’apparat, linge de maison et vaisselle fine furent offerts par Dahlia pour marquer sa reconnaissance envers Ophélie dont elle avait toujours apprécié le service.