samedi 14 septembre 2024

L'expédition


 


Surexcité à la perspective de voir cette pierre convoitée, le prince Mortimer eut de la peine à trouver le sommeil ; il promit une bourse d’or à celle qui pourrait l’aider à plonger dans le monde du rêve.

L’une des suivantes de la reine, Céleste, veuve et mère de deux petites filles, accepta la proposition et elle parvint à endormir le prince sans subir de dommages tant son art du bercement était complet.

Munie de la précieuse bourse d’or, elle s’éclipsa et rejoignit Aurore et Bénédicte, ses filles bien aimées.

Mortimer s’éveilla de bonne humeur, réclama la présence de Céleste pour le petit déjeuner.

Après un tendre baiser de remerciement à la gente dame, il se présenta dans le hall  du palais.

Clotaire et Tiphaine, élégants dans un costume ample, l’engagèrent à les suivre dans une randonnée équestre.

Le couple royal avait fait seller un palefroi afin d’indiquer à leurs sujets que la guerre n’était pas à l’ordre du jour.

Mortimer bénéficia d’une semblable monture et c’est ainsi qu’il chevaucha, à distance respectable du couple escorté par une dizaine de chevaliers prêts à affronter un ennemi éventuel.

De son côté, Mortimer avait choisi trois compagnons fidèles, Godefroy dont l’olifant était célèbre, Aymeri à l’agilité sans égale, capable de déjouer toutes sortes de maléfices et Victorien, un colosse impressionnant par sa stature, son crâne rasé et ses tatouages. Un pur-sang réputé pour sa hauteur au garrot fut mis à sa disposition.

Le cortège s’ébranla.

Céleste agita son mouchoir brodé du haut des remparts, envoyant un baiser à Mortimer qui ressentit une forte émotion.

Le doux visage de Céleste présent à son esprit, il aurait presque oublié le but de son voyage, la pierre de feu, jusqu’au moment où elle apparut dans un cercle pourpre parsemé de rubis.

L’escorte s’arrêta à quelques toises du lieu sacré.

«  N’allons pas plus loin dit Clotaire à son invité, nous serions grièvement brûlés ».

Il demanda ensuite au dessinateur officiel de la cour de prendre des croquis à destination de son hôte.

Laissant la pierre de feu effectuer son rituel précieux, les participants à l’excursion prirent du champ et demandèrent l’hospitalité à une famille gardienne du Graal quotidien du royaume.

Anselme et son épouse  Apolline firent dresser une table pour tous et chacun trouva bientôt le réconfort d’une fricassée de poulet aux légumes parfumés et de gelées de fruits accompagnées de sablés au bon beurre frais.

Son rêve exaucé et son appétit satisfait, Mortimer se laissa aller à une douce rêverie dont Céleste était le centre.

C’est alors qu’un dragon ailé, crachant le feu, apparut à l’horizon.          Il s’empara de la première dame d’honneur de la reine, Gisèle qui portait son ombrelle, son éventail et une tenue de rechange.

Gisèle aurait été irrémédiablement perdue si Victorien ne s’était pas précipité pour le pourfendre d’un coup de sabre.

Le colosse fut remercié par tous. Toute rougissante, Gisèle lui donna un baiser ce qui décontenança le fier guerrier.

«  Sieur Victorien, je vous donne l’autorisation de faire la cour à Dame Gisèle si elle y consent ».

Le colosse mit un genou à terre et offrit son énorme main striée de cicatrices à la suivante de la reine qui plaça sa petite main blanche dans sa paume en signe d’assentiment.

«  Je propose que nous partions à présent afin de célébrer officiellement ces fiançailles en devenir » dit gaiement Tiphaine.

On remercia les hôtes pour leur accueil.

La dépouille du dragon fut répartie parmi les amateurs, langue, dents, écailles de feu, griffes dont on ferait des objets ciselés.

Sa chair n’étant pas comestible, on l’enterra puis la petite troupe s’éloigna, passant des rubis de la pierre de feu aux diamants de l’amour.

 

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