lundi 4 mai 2020

La mort d'une conteuse


La mort d’une conteuse
Dans son hameau fleuri de roses et de lilas, Manon, la conteuse des longues soirées d’hiver, sentit sa vie basculer.
Elle ne parvenait plus à dévider le fil d’or qui la conduisait d’une princesse désespérée à un prince salvateur, prêt à épouser la jeune fille éplorée.
Il lui arrivait de rêver de la vallée de son enfance qui serpentait au gré d’une rivière capricieuse où des ilots de verdure abritaient des nichées d’oiseaux.
Les cygnes qui voguaient d’une rive à l’autre glissaient sur le ruban argenté de la rivière où roulaient pépites d’or et pierreries sans lui inspirer le moindre canevas séquencé d’une histoire dont elle découvrait l’issue avec surprise et ravissement.
Désorientée et déçue de ne plus trouver les mots d’or qui jaillissaient sous sa plume, elle décida de mettre sa pèlerine et chausser ses sabots pour partir à la recherche du vallon perdu où un enchanteur retenait prisonniers les chevaliers de son âme.
Elle marcha longtemps, allant d’un vallon à un autre, son carnet des grands chemins en bonne place dans le sac brodé de roses qui lui avait toujours porté chance.
Le soir tombant, elle activa le heurtoir d’une jolie chaumière éclairée par un bon feu.
Une jeune fille qui lui ressemblait lui ouvrit et la pria aimablement de partager son repas, après quelques ablutions et le rafraîchissement de sa tenue vestimentaire.
Elles se régalèrent de préparations culinaires à base d’œufs, de lait, de fromage et de plantes aromatiques aux parfums à la fois doux et sauvages.
Du poisson de rivière poêlé et aromatisé de citron reposait sur un lit de cresson orné d’œufs de cailles délicatement farcis d’une crème mousseuse.
Quant au dessert, il consistait en choux fourrés de crème pralinée ou pâtissière et ornés de dragées.
Des carafes de boisson au sirop d’orgeat et à l’hydromel permettaient le glissement de tous ces plats délicats et raffinés.
Au terme du dîner, des dames avenantes desservirent  promptement et des violonistes attaquèrent des airs charmants empreints de romantisme.
Je n’aurais pas pu faire mieux se dit Manon et elle sourit à son hôtesse qui lui offrait une soirée digne de sa plume.
C’est alors qu’elle glissa dans un sommeil profond et elle fut emmenée dans le réceptacle d’un attelage fantastique guidé par des licornes dans le pays bleu de son enfance.
Solenn, la jeune hôtesse ajouta un plumier d’or à ses armoiries et devint la nouvelle conteuse attitrée de la région.

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