mardi 19 mai 2020

Les trois nuages


Les trois nuages
Dans un royaume fabuleux où vivaient des personnes qui adoraient se quereller, tantôt pour des raisons futiles, tantôt pour des sujets méritant la contreverse, trois nuages se succédèrent, apportant de réels fléaux.
Le premier, ourlé de noir, libéra des nuées de sauterelles qui s’abattirent sur les champs, dévorant tout sur son passage.
Le second, pourpre et or dont certains poètes chantèrent la beauté, enveloppa des terroirs entiers d’une chape mortifère, semant la mort en frappant à l’aveugle.
Puis vint un nuage d’azur et d’airain qui semblait devoir apporter la paix mais qui, en fait, était le plus terrible car il accentua les failles qui existaient en filigrane, plus ou moins masquées par des massifs de fleurs.
Le royaume attendait son Charlie Chaplin, l’artiste qui dénoncerait les temps modernes ou le dictateur et qui apporterait une réflexion sur l’aide que pourrait offrir un pauvre pour aider son prochain.
Mais les artistes restaient sourds et aveugles et se contentaient de demeurer chez eux en apparaissant de temps à autre pour parler gaiement de sujets graves et donner des conseils inaudibles pour les personnes obligées de travailler dans l’intérêt du royaume.
On se prit à espérer l’arrivée d’un personnage féerique qui ressemblerait au vaillant petit tailleur ou au petit poucet pour pourfendre l’ogre gourmand dont le ventre gonflé réclamait toujours plus de pitance pour calmer une faim ravageuse.
L’horizon ne délivra aucun signe de délivrance et l’on s’habitua peu à peu à cette interminable succession de calamités.
Les trois nuages restèrent dans les mémoires et l’on vit prospérer des devins qui observaient le vol des oiseaux en s’efforçant d’en tirer un enseignement.
Des pans de civilisation s’effondraient et certains habitants anxieux portèrent la coquille du pèlerin en arpentant les routes qui conduisaient à Saint-Jacques de Compostelle, Rome ou le Mont Saint-Michel.
On relut les évangiles et l’on consulta les ouvrages des philosophes, de Platon à Aristote et l’on jeta un regard critique aux ouvrages de Kant, Kierkegaard et Nietzsche.
Des gens de lettres se référèrent aux ouvrages renommés, La Peste d’Albert Camus, Le Hussard sur le toit de Jean Giono, La recherche du temps perdu de Marcel Proust et le théâtre du XVII ème siècle ainsi que les fables de La Fontaine tandis que des esprits enclins à la rêverie relisaient les poèmes de Baudelaire, Verlaine et Rimbaud ou s’évadaient en lisant des romans de chevalerie, de Chrétien de Troyes à Cervantès sans oublier le cycle des romans de la Table Ronde qui connaissaient une résurgence épique dans la conquête des domaines spatiaux dont tout le monde rêvait, depuis Ray Bradbury et René Barjavel.
La Nuit des Temps redevint un classique et l’on se délecta à nouveau du monde décrit par Boris Vian, Elsa Triolet et Louis Aragon.
Bref, la pensée fit son retour, balayant le monde frivole créé pour satisfaire l’appétit de l’ogre.
On guetta les nuages et des chercheurs s’employèrent à trouver le moyen d’en détruire les effets nocifs.
On chercha, on rêva, on pensa et un beau jour, le ciel redevint bleu et l’on reprit quelques habitudes, y compris des querelles pour des broutilles mais juste pour prouver que l’on était encore vivant !




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