dimanche 17 mai 2020

T'en souviens-tu, mon coeur ?


T’en souviens-tu, mon cœur ?
T’en souviens-tu, mon cœur, jadis nous dormions enlacés et les douces senteurs du jasmin et de la rose nous offraient des philtres d’amour…
Et puis le temps a passé, les hivers sont revenus avec une cadence rythmée extrême et nous avons vécu en suivant le tempo de notre mobilité.
Qu’importe ! C’est un bonheur nouveau, aux couleurs d’espérance, qui nous enveloppe dans son nuage d’ambre.
T’en souviens-tu, mon cœur, jadis, nous dansions et même si j’avais un peu tendance à rompre le rythme, supportant mal d’être guidée, nous étions si proches que nous sentions nos deux cœurs battre la chamade.
Et puis les automnes nous ont laissé entrevoir les frimas chantés par Charles d’Orléans en nous proposant des corbeilles de fruits et de fleurs flamboyantes.
Je te revois, penché sur un feu de cheminée ou un brasero, maniant l’harassoire avec dextérité pour faire sauter les châtaignes, ce que tu faisais mieux que personne : tes frères s’écartaient pour te confier cette tâche qui requiert souplesse du poignet et force.
T’en souviens-tu, mon cœur, il nous arrivait de nous quereller pour des broutilles, moi parce que je ne supportais pas que l’on conteste mes points de vue et toi parce que tu te demandais avec une inquiétude jalouse ce qui était derrière mes rêveries alors que je restais sans cesse auprès de toi…
Et puis les printemps se profilaient avec l’éclosion des fleurs de cerisiers puis des lilas et enfin des roses qui m’attiraient dans le jardin comme un aimant salvateur.
Aujourd’hui, mon cœur, nous savons que nos jours sont comptés mais cela ne nous préoccupe guère.
Verrons-nous mûrir le raisin et assisterons-nous à la noria des porteurs de maïs et à la moisson des blés mûrs qui me ramènent toujours à mon enfance et à ces courses échevelées dans la campagne, à la recherche des bleuets et des coquelicots ?
Ces questions demeurant sans réponse, nous avançons vers cette période où « l’on cloue un cercueil quelque part » et nous nous contentons de saisir le bonheur du jour en espérant que nous puissions au moins partir ensemble vers le grand inconnu qui se cache derrière le sourire des roses…

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