vendredi 26 mai 2023

La forêt de Mormal


Les jours suivants, Ophélie arpenta les rues de Maroilles tout en songeant au legs épistolaire de sa grand-mère.

Elle se revoyait, chantant d’incroyables compositions qu’elle croyait originales et qui n’étaient, en fait, que la réminiscence de la bulle-souvenir attachée à Soraya, sa grand-mère chérie.

Lors de ses déambulations dans le petit village, elle n’apprit rien de notable à part le fait que sa grand-mère était très estimée : on parlait de ses dessins, ses dentelles, ses broderies et surtout de sa grandeur d’âme et sa générosité.

Pour opérer un parfait retour aux sources, Ophélie programma une excursion dans la forêt de Mormal où sa grand-mère aimait se rendre afin de collecter les champignons, les fleurs et les plantes dont elle ferait bon usage sur le plan artistique ou gastronomique.

Elle demanda à Françoise de lui préparer un pique-nique et fit appel à un cocher ami de sa famille pour qu’il l’emmène, en calèche, dans la forêt profonde où les chevreuils, les sangliers et les cerfs apparaissaient aux élus des Dryades.

Ils firent halte dans une clairière. Ophélie explora les alentours, cueillit quelques pervenches et du muguet.

Soudain, alors qu’elle s’apprêtait à rebrousser chemin, une fillette de cinq ans lui apparut, pieds nus, cheveux épars et chemise longue, vaporeuse, déchirée par les ronces. Ele pleurait et semblait perdue dans cet univers hostile aux yeux d’une enfant.

Ophélie l’emmena jusqu’à la clairière et disposa les préparations de Françoise sur un tapis d’orient ramené de ses voyages au pas de danse.

La petite choisit sans hésiter un sandwich au fromage et l’engloutit sans faire de manières. Elle but le contenu d’une gourde au sirop de cassis-maison puis s’endormit, les bras en croix.

Emue par ce spectacle, Ophélie s’empara de son calepin et dessina l’enfant. Puis elle composa un chant :

« Colombes du Djurdjura, coiffez cette enfant d’une couronne de roses car elle est la reine de vos montagnes. Un souffle de vent l’a emportée dans la forêt de Mormal où le destin m’a conduite pour que je l’élève selon nos ancestrales traditions ».

 Ensuite, Ophélie, pieds nus à son tour, se mit à danser au son d’un tambourin.

Un cerf apparut puis un chevreuil et enfin des sangliers pleins de vitalité se bousculèrent sur les bords des fossés.

Ophélie enveloppa l’enfant dans un manteau de laine qu’elle emportait toujours et elles parvinrent aux Bleuets.

Elle coucha l’enfant dans un petit lit près du sien et toutes deux firent des rêves où elles se rejoignaient comme deux âmes perdues du Djurdjura.

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