mardi 2 mai 2023

Le bal des poètes


Des pétales de fleurs de cerisiers, des roses, des pensées, du muguet donnèrent le signal de l’ouverture du bal des poètes.

«  Je ne vois pas ma fleur préférée, le chrysanthème, dit le prince Boris mais par contre j’aperçois une femme dont la beauté me rappelle toutes les légendes de mon pays natal » et il s’inclina devant Theresa qui répondit à sa demande par une révérence.

Ils valsèrent en suivant le rythme imprimé par l’orchestre de sorte qu’ils ne purent guère échanger quelques paroles.

La valse terminée, après s’être rafraîchis au buffet, le couple se dirigea vers les jardins et se perdit dans un dédale d’allées fleuries.

Un jardin d’amour leur offrit son ombrage et ils se dirent mille et un propos courtois, se répondant avec ferveur et enthousiasme.

De leur côté des poètes trouvaient leur âme-sœur en valsant au son de la mazurka et chaque couple formé suivait le même chemin que le précédent de sorte que le jardin d’amour devint très fréquenté et qu’il fallut trouver une échappatoire pour avoir un peu d’intimité.

Un carrosse s’arrêta près du palais de la reine et un curieux personnage fit son entrée au bal.

Sa haute taille soulignée par un costume à brandebourgs d’inspiration hongroise lui donnait beaucoup de prestance. Ses bottes de cuir fauve glissaient sur le parquet et lorsqu’il s’inclina devant une jouvencelle prénommée Blandine, réputée pour la qualité de son écriture, cette adolescente n’osa pas lui opposer un refus. Toute tremblante, elle se blottit contre la poitrine imposante du prince Igor, le roi de la fête.

Ils dansèrent avec grâce et lorsque le prince murmura des compliments à l’oreille de sa partenaire, ce fut d’une voix douce qui contrastait avec l’apparence virile du personnage.

Rassurée, Blandine s’abandonna dans les bras caressants du prince et suivit la chorégraphie délicate de la valse de Paris.

Dès que le couple partit se reposer dans le jardin, la lune éclaira le visage du prince et révéla son identité.

D’origine russe, il avait suivi tout enfant ses parents à Paris et avait fait de cette capitale chargée d’Histoire et de légendes l’élue de son cœur.

Emule de Louis Aragon et d’Elsa Triolet, il avait trempé sa plume dans l’or d’un encrier chinois et s’était lancé dans la conception d’une œuvre poétique enluminée à la mode médiévale.

Lorsque Blandine osa regarder les yeux de son prince, elle eut l’impression de plonger dans les eaux vives de la Neva. Avatar d’Anna Karénine, d’Aglaé et de Natacha, elle laissa Igor effleurer ses lèvres d’un doux baiser.

«  Soyez ma femme lui murmura-t-il d’une voix suave. Vous porterez nos enfants et vivrez comme il vous plaira ».

Blandine reçut de son promis une pelisse d’hermine et c’est ainsi vêtue qu’elle prit congé de la reine en la remerciant vivement de son hospitalité.

Le prince Igor fit de même et tous deux prirent place dans le carrosse qui les emmena vers leur bonheur.

Le bal dura jusqu’à l’aube et chacun connut une aventure digne d’être racontée un soir à la veillée, près d’un bon feu de cheminée.

La reine promit de rendre visite aux nouveaux couples et de doter l’enfant de leurs amours puis la vie reprit son cours, au rythme des vagues et des courses de dauphins.

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