samedi 6 mai 2023

Le rêve d'Olympe


Olympe excellait dans l’art de la broderie et de la pâtisserie fine. Pastillas, tourtières et croustades, îles flottantes à la crème de roses n’avaient plus de secrets pour elle et disparaissaient au fur et à mesure de leur réalisation : les clients fidèles ne lui faisaient jamais défaut.

Un jour, Olympe crut voir un cheval sauvage aux abords de sa maison. Elle avertit ses voisins, prévint le bourgmestre qui enregistra méticuleusement sa déclaration. Chacun sans oser l’exprimer crut que la jeune fille avait rêvé ou qu’elle avait été sujette à une hallucination.

«  Elle travaille tant que cette image a fait irruption dans son esprit fatigué » disait-on à la ronde.

«  Ce sont surtout ses mains qui travaillent » protesta Antoine, le poète du village qui était secrètement amoureux de la jeune fille.

Antoine écrivait un roman dont l’héroïne ressemblait à Olympe. Il introduisit un élément équestre dans la trame de son récit, imaginant qu’il s’agissait de la monture d’un prince venu demander la main de cette talentueuse créatrice.

« Un cheval sans cavalier, cela n’a aucune signification » se disait-il en se tourmentant.

Chaque jour, il guettait la venue possible de ce jeune homme qui mettrait fin à ses rêves de conquête.

Mais rien de tel ne se produisit et il put continuer à rêver sans craindre l’irruption d’un rival.

Le cheval merveilleux fit de nouvelles apparitions, présentant à chaque fois un élément supplémentaire. La couleur de sa robe était d’une exceptionnelle blancheur et son harnais était décoré de pierres lumineuses et colorées.

Olympe dessina ce coursier féerique puis elle broda sur un chemin de table destiné à une table d’apparat. Elle reçut les compliments du chevalier qui lui avait passé la commande. Il y vit une allusion subtile à son passé guerrier et doubla le prix de l’œuvre car précisa-t-il, si j’avais pu avoir une semblable monture proche de Pégase, j’aurais pu aider mon suzerain avec davantage d’efficacité.

En outre, il invita Olympe à une fête qu’il donnerait prochainement en son château.

Les broderies équestres firent fureur et chacun passa une commande.

Par ailleurs on se disait dans le village qu’on avait jugé Olympe un peu hâtivement en croyant qu’elle avait des visions.

Le cheval était si beau, si réel sur les toiles brodées qu’il devait forcément exister et chacun nourrit en son cœur l’espoir de voir cette merveille en sabots.

Cet engouement pour le cheval féerique fit des émules.

Antoine écrivit un roman de chevalerie qui plut à un éditeur de renom et il obtint un succès populaire auquel s’ajouta un prix littéraire. L’étoile des chevaliers, son roman était dédié à l’élue de son cœur : c’était sa façon de lui dire qu’il croyait en elle.

On vint de loin pour rencontrer l’écrivain et de belles dames jouèrent de l’éventail et firent comprendre au jeune homme par des mimiques appropriées qu’il ne leur était pas indifférent.

De son côté, Olympe recevait chaque jour des cadeaux somptueux de la part du seigneur du comté, le premier à avoir apprécié la qualité artistique de son travail.

Fleurs, parures, diamants accompagnés de rondeaux charmants à la gloire de sa beauté et de son talent étaient déposés sur le banc de pierre où Olympe aimait s’asseoir pour broder, bénéficiant ainsi de la lumière naturelle du jour.

Ce fut Balthasar, le cheval du rêve qui dénoua la situation en se montrant à Antoine.

Bien plus, ce cheval fée  était doté d’étriers qui engagèrent le jeune homme à enfourcher cette monture céleste.

Le cœur battant, Antoine se dirigea fièrement vers la demeure d’Olympe à qui il proposa l’amour et le mariage.

Les jeunes gens étaient faits l’un pour l’autre et le seigneur du comté s’inclina devant le fait accompli.

Il refusa la restitution des cadeaux faits à Olympe car il les estimait mérités.

Le jour du mariage, il fit parvenir à la table de noces une immense corbeille de fleurs et un madrigal célébrant cette belle union.

Au cœur du bouquet, il y avait une bourse de louis d’or qu’Olympe décida de garder pour la venue de leur premier enfant.

Balthasar reçut des soins particuliers et fit l’admiration de tout le village et des touristes venus de loin pour contempler ce destrier hors du commun.

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