vendredi 26 juillet 2024

Philibert le Beau



En pénétrant dans le château, Philibert le Beau eut une étrange impression, celle d’avoir vécu en ces lieux pleins de charme.

L’un de mes ancêtres aurait-il séjourné en ce château de rêve se disait-il tout en contemplant avec plaisir la belle Roxane dont la légende n’était pas usurpée.

Sa taille bien prise dans un étroit corselet, ses longues jambes fines et son visage de madone faisaient d’elle une référence de l’idéal féminin.

De plus son art oratoire était sans faille : Roxane ne parlait qu’à bon escient et ses paroles s’inscrivaient dans un reliquaire équivalent au Roman de la Rose.

Etourdi par tant de beauté, Philibert demanda l’autorisation de se retirer, prétextant la fatigue du voyage.

Roxane le conduisit dans ses appartements. Des chambres annexes furent dévolues à son personnel attaché à sa sécurité et son confort.

Quant aux guerriers, serviteurs et employés, ils logèrent dans un hameau tout proche du château, prêts à servir si besoin était.

Demeurée seule, la princesse admira les présents de Philibert, soieries, faïence, vaisselle d’or, bijoux et autres trésors.

Elle se mit en devoir de ranger ces merveilles, ne gardant qu’une robe de brocart, un collier de rubis en forme de cœurs et un surtout de porcelaine de Chine qui ornerait la table du lendemain.

Elle se promena dans le jardin, respirant le parfum des roses puis elle prit la décision de passer la nuit dans le pavillon des amours demeuré vierge à ce jour.

Le lendemain, elle se disposa à recevoir dignement ses hôtes mais elle apprit avec surprise qu’ils avaient pris la route du retour à l’aube, acceptant une miche de pain et des produits du terroir pour un petit déjeuner pris sur le pouce.

Quel événement avait précipité le départ du prince ?

Un songe l’avait fortement impressionné. Emergeant d’un halo de brume, le château de Roxane lui était apparu sous la forme d’un manoir hanté où une belle endormie attendait le baiser salvateur d’un prince charmant.

Il en était venu un , certes mais au dernier moment, il avait renoncé à poser ses lèvres sur celles de la princesse, glacées, à l’image de la mort.

Craignant une aventure similaire à celle de son ancêtre, l’impression de déjà vu s’étant ainsi matérialisée, Philibert avait décidé de partir.

Il s’en expliquerait à la princesse, se disait-il en chemin, rejetant une à une les excuses qu’il devrait lui présenter.

Ses compagnons n’osaient pas le questionner. Ils étaient désappointés car le remue-ménage des cuisines et les parfums qui en émanaient augurait un festin préparé avec amour.

Déçue mais songeant qu’un motif valable lui parviendrait nécessairement, faute de quoi elle s’estimerait offensée, Roxane invita les notables de son domaine, élargissant le cercle en incluant des villageois représentatifs, à participer au repas préparé pour Philibert et sa suite.

Au dîner, elle fit part de sa déconvenue et l’un des villageois, émule du divin Ulysse, jura de tirer l’affaire au clair.

«  Va donc, fidèle Asuncion, dit Roxane à ce villageois audacieux. Rapporte-moi la réponse à l’énigme et je saurai te récompenser comme il se doit.

N’en faîtes rien , Princesse. Je prête serment de revenir avec la réponse et des excuses ou d’y laisser la vie.

Votre honneur nous est cher et c’est pour redorer votre blason terni par ce camouflet que je cours vers l’aventure dont je reviendrai vainqueur ».

Sur ces mots, Asuncion quitta la princesse pour préparer son expédition.

Roxane regagna sa chambre, émue de se savoir soutenue et aimée.

C’est la première et la dernière fois que je rêve d’un prince conclut-elle.

On ne parle que de ces êtres étranges et précieux dans les contes de fées traditionnels mais je me demande si les conteurs ont bien le sens des réalités.

Ces princes ne seraient-ils qu’un leurre ? et sur cette pensée, la princesse s’endormit.

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