dimanche 14 juillet 2024

Sur la route des Mille et une Nuits

 

 

 

Lorsqu’il revenait de ses voyages, chargé de marchandises et de présents, Sindbad le marin allait à Bassorah, la ville des Merveilles, en un temps olympique. Jamais il ne rencontra le moindre danger sur cette route aujourd’hui maudite.

De nos jours, aller de Bassorah à Bagdad relève du prodige. Tout peut arriver : une mine, un embrasement soudain, un tir aveugle, un rapt. Malheureux Sindbab ! Dans le paradis des contes où tu reposes, tu dois te tordre les mains de désespoir en assistant, impuissant, au saccage de ton pays. Le seul nom de Bagdad décuplait tes forces quand tu étais prisonnier d’une île lointaine. Tu te remémorais la plus belle ville du monde où régnaient la justice et la prospérité. Tes ballots de soieries et de bijoux, d’épices et d’ivoire, tu les changeais en or et tu menais alors une vie de rêves et de chants.

S’il t’arrivait de rencontrer un pauvre, tu lui offrais de participer à l’un de tes festins et tu le comblais de présents, de sorte qu’il devenait un ami, un confident et qu’il n’avait plus besoin de prêter son dos, pour une somme dérisoire, dans les souks de Bagdad, comme Sindbad de la terre, portefaix, l’exemple contraire de ta destinée.

Aujourd’hui, à Bagdad, le pauvre et le riche ne peuvent plus être amis. Une barrière indestructible les sépare et les oppose.

A l’entrée de Bagdad, deux énormes sabres, manifestation insolente de la puissance des armes, se joignent dans le ciel. Même s’ils présentent aussi une symbolique religieuse, le glaive du Commandeur des Croyants, ils sont avant tout la représentation d’un régime tyrannique qui a fait basculer la ville des Mille et Une Nuits dans les ténèbres de la mort. Puisqu’il était question de destruction, pourquoi avoir épargné ces sabres monstrueux ? Une arche de roses les aurait remplacés avec bonheur. Dans cette pluie de roses, Sindbad le marin effectuerait un huitième voyage, le plus périlleux, aller de Bassorah à Bagdad, s’aventurerait dans les rues pulvérisées de la ville prodigieuse qui avait hanté ses rêves et réjoui son présent, pousserait enfin la grille d’un jardin épargné par les bombes pour retrouver son palais délabré qu’un seul récit pourrait illuminer.

Que revienne le temps des roses et de la paix dans le royaume des Contes !

 

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