samedi 17 juin 2023

Bouton d'Or au pays des Merveilles


Dans un royaume ancien où régnait un ordre médiéval vivait une jeune fille si jolie qu’on l’avait surnommée Bouton d’Or.

Personne ne l’interpellait sous son nom de baptême pourtant évocateur de la beauté, Dorine.

Bouton d’Or faisait l’unanimité car disait-on, en la voyant, on croyait voir marcher l’ornement floral des prairies printanières.

Bouton d’Or aimait cueillir les fleurs délicates dont elle portait le nom pour en faire des objets précieux, couronnes en association avec des lys et des orchidées et surtout des parures sous forme de colliers, de bracelets et de pendentifs après un bain d’or fin et de nacre.

Un jour, alors qu’elle se rendait dans la prairie où les fleurs s’épanouissaient pour son bonheur, Bouton d’Or surprit un écureuil volant de branche en branche pour finalement se poser sur son épaule. L’écureuil s’exprima ainsi :

«  Nous t’avons choisie, Bouton d’Or, pour être notre reine dans le pays des merveilles où nous vivons ».

Surprise, la jeune fille cherchait ses mots mais elle n’eut pas le temps de formuler sa réponse. Un vent tourbillonnant l’enveloppa et elle fut emportée jusqu’à un royaume merveilleux où l’or et les pierreries pavaient les rues d’un village pimpant. De belles dames et des gentilshommes vêtus avec magnificence s’y promenaient en échangeant des propos courtois.

Un seigneur de haut rang au vu de sa stature, de l’élégance particulière de sa mise et de la couronne de roses dorées qui disciplinait sa belle chevelure bouclée, s’adressa à la jeune fille d’une voix musicale et chargée d’émotion :

«  Belle Dorine, je vous ai envoyé mon écureuil fétiche car je vous ai aperçue lors d’un voyage dans votre contrée et votre beauté m’a fasciné au point de vouloir faire de vous ma souveraine si vous le voulez bien ».

Cette déclaration achevée, le prince Henri de la Roselière prit le bras de Dorine et la conduisit vers son carrosse.

Ce fut un beau voyage et la jeune fille découvrit au terme de la randonnée un magnifique palais de marbre, de nacre et de jade incrusté d’émeraudes.

Dorine avait l’impression d’avoir franchi un pas dans l’échelle de la société et cette sensation prit de l’ampleur lorsque des dames d’honneur la conduisirent dans ses appartements. Ils étaient dignes d’une reine, luxueux, confortables et meublés avec discernement.

Dorine eut l’impression d’avoir trouvé le cadre adapté à ses goûts et à ses rêves les plus fous.

De grandes verrières laissaient entrer la lumière avec générosité et dans une pièce nommée cabinet des loisirs Dorine découvrit les éléments de ce qui pourrait constituer son nouveau mode de vie.

Broderie, poterie, aquarelles et peintures sur soie et sur toile, nécessaire à couture et atelier pour réaliser des créations artisanales suggéraient, par leur profusion, que la jeune fille s’installerait définitivement dans ce royaume.

Elle revêtit une robe d’apparat pour se rendre au dîner auquel elle était conviée et fit honneur à tous les plats délicats servis sur une jolie table décorée de chandeliers et de vases contenant des fleurs fraîchement coupées.

Aumônières de légumes, vol-au vent de ris de veau, chaud-froid de volaille et dos de saumon braisé à la flamme et nappé d’une sauce épicée aux champignons se succédèrent, suscitant l’enthousiasme des convives.

Des couples élégants devisaient avec douceur, complimentant au passage les serviteurs qui œuvraient avec dextérité.

Le prince Henri parlait peu, couvant du regard une Dorine intimidée et heureuse de se savoir aimée.

Les desserts furent à la hauteur des plats principaux : crèmes à la rose, financiers, profiteroles, bombe glacée, pièce montée, le tout agrémenté de boissons recherchées, Jurançon, vins de Bourgogne et Champagne.

On apprécia le café et ses mignardises servis en point final. Les couples se dirigèrent ensuite dans une salle de bal où un orchestre les attendait.

Henri dansa exclusivement avec Dorine, marquant ainsi sa préférence.

C’était un merveilleux danseur et la jeune villageoise qui connaissait surtout les bals populaires et les danses rustiques se surprit à esquisser des pas qui lui étaient inconnus avec justesse.

Le prince emmena ensuite sa bien-aimée dans son jardin d’amour et ils se dirent mille et un propos qui semblaient prendre leur envol à la manière de papillons.

Dorine se laissa conduire jusqu’à ses appartements par son royal soupirant et après un échange de baisers, elle se glissa dans son lit, toilette terminée, jusqu’au petit matin.

Réveillée par le chant des rossignols, elle se prit plaisir à contempler le paysage nimbé de rose qui s’offrait à sa vue par la verrière.

C’est alors qu’il se produisit un fait étrange : un grondement sourd précéda des tornades de feu, le sol se déroba sous ses pieds et elle perdit connaissance.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle se trouvait dans la prairie où elle cueillait les fleurs dont elle ferait des articles de collection.

L’écureuil qui l’avait entraînée dans le royaume des Merveilles dont elle avait failli être la reine, s’adressa à elle pour lui présenter un aperçu de son aventure en guise de point final.

«  Chère Bouton d’Or, tu as touché du doigt les magnificences princières. Sache que le prince Henri est profondément épris de sa chère Dorine. Lorsque tu le souhaiteras, tu pourras revenir de ton plein gré dans ce royaume. Place alors des noisettes sur le rebord de ta fenêtre et je viendrai te chercher pour exaucer ton choix définitif. Villageoise ou Reine, à toi de choisir » !

L’écureuil disparut, laissant derrière lui un panache de feuilles d’or dont la jeune fille se saisit pour les inclure dans ses futures créations.

Le temps et la réflexion la conduisirent à vouloir retrouver les splendeurs entrevues lors de son aventure.

Elle déposa, comme convenu, des noisettes sur le rebord de sa fenêtre pour rejoindre son bien-aimé car elle n’avait pu l’oublier.

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