vendredi 2 juin 2023

Disparition d'un prince charmant


Qu’a-t-il pu se produire pour que le père de Lola disparaisse aussi soudainement, précipitant la déchéance d’Aurore ? se demandait Ophélie.

En se servant des détails fournis gracieusement par Bertrand Dutilleul et en utilisant les traits délicats et la magnifique chevelure bouclée de Lola, Ophélie peignit un jeune homme à l’allure de prince charmant.

«  Qu’il est beau s’exclama Lola ! Quand je serai grande, je me marierai avec lui » reproduisant ainsi le schéma œdipien.

Ophélie approuva ce choix en souriant et après avoir réalisé quelques copies du tableau, elle exposa l’original dans une galerie d’art, espérant recevoir des renseignements par ce biais.

Le tableau intitulé Prince Charmant reçut un accueil enthousiaste de nombreux visiteurs.

Mis au courant de l’espoir conçu pour résoudre une énigme, le directeur de la galerie nota soigneusement les commentaires issus de la vision du tableau.

«  C’est le comte Louis des Marches, il lui ressemble étrangement en tout cas » dit une femme qui s’attarda à contempler le portrait.

D’autres visiteurs contemplèrent le tableau en faisant des remarques qui s’avéraient concordantes.

Une journaliste de La Voix du Nord titra : «  La disparition d’un prince charmant ».

Il s’avéra, à la lecture de l’article, que le comte avait disparu sans laisser la moindre explication à son entourage.

Bertrand Dutilleul se présenta au manoir nommé Rose d’Orient depuis le retour de croisade d’un ancêtre du comte.

Le manoir était réputé pour la beauté de sa roseraie et pour son jardin d’amour conçu selon un schéma rapporté de Constantinople.

Seuls les membres du personnel habitaient la demeure. Le majordome se prêta à l’interrogatoire conduit par le lieutenant de gendarmerie. Selon ses dires, le comte s’était littéralement volatilisé alors qu’il était épris d’une jeune femme à la saisissante beauté. Elle était venue plusieurs fois au manoir et le comte ne cessait de lui faire des cadeaux, des colliers de perles, des broches, des bagues en diamants ainsi que des bracelets de rubis qui mettaient en valeur sa peau dorée.

Elle s’était présentée au manoir lors de la disparition du comte. Sans nouvelles et apparemment au désespoir, elle avait remis à la gouvernante l’intégralité des bijoux.

«  Il me les rendra, si bon lui semble, à son retour. Dites-lui que, de mon côté, j’ai un cadeau pour lui » avait-elle dit mystérieusement avant de disparaître à son tour.

«  Cette pauvre dame ne reviendra pas, elle est morte » répliqua sobrement le lieutenant puis il prit congé du personnel en le remerciant de son aimable coopération.

Ensuite, Bertrand Dutilleul rendit visite à Ophélie. Tandis que Lola racontait des histoires à sa poupée, il lui révéla le contenu des éléments collectés au manoir.

Ainsi il s’avérait que le comte était bien le père de Lola et que la jolie jeune femme n’était autre qu’Aurore dont la destinée avait basculé après la disparition énigmatique de l’homme dont elle était éprise.

«  Le fait qu’elle ait rendu les bijoux est tout à son honneur dit Ophélie et chacun comprendra que le cadeau était l’attente d’un enfant, la petite Lola ».

Puis elle ajouta que l’on pourrait peut-être s’informer auprès des hôpitaux pour savoir si un patient amnésique correspondant au profil du comte ne s’y trouvait pas.

L’enquête fut relancée mais la piste de l’amnésie resta sans suite.

«  Je ne crois pas à sa disparition volontaire dit Bertrand et il nous faut, hélas, envisager un crime crapuleux, à moins qu’Agnès Blanchard n’avoue, lors de son procès, l’instigation d’un assassinat par pur esprit de vengeance et pour préserver Lola de tout agent extérieur ».

On interrogea à nouveau le musicien des rues. Pressé de questions, il finit par reconnaître le meurtre du comte perpétré pour une forte somme promise par Agnès Blanchard.

«  Elle a refusé de me payer » dit-il amèrement.

Il conduisit les gendarmes jusqu’à un tertre en forêt de Marchiennes. On creusa et on découvrit les ossements du malheureux comte. Le légiste l’identifia grâce à sa denture. De plus, il portait encore au doigt la bague que l’on se transmettait de père en fils avec le blason ancestral.

En suivant les conseils de Bertrand Dutilleul, Ophélie contacta son notaire : si l’on prouvait la filiation génétique de Lola côté père, la petite fille deviendrait l’héritière du comte.

«  Plus besoin d’aller en Kabylie pour y respirer un air d’orient pensa la jeune femme. La roseraie et le jardin d’amour nous apporteront le rêve nécessaire à la créativité ».

De plus, la jeune artiste n’osait pas s’avouer qu’elle éprouvait un certain émoi lors de ses rencontres avec le lieutenant Dutilleul. L’amour ne se trouve pas forcément en orient se dit-elle et elle fut heureuse de constater que son destin l’ancrait à Maroilles où sa grand-mère avait vécu si longtemps, y trouvant le bonheur absolu.

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