jeudi 1 juin 2023

Les aveux d' Agnès


Agnès Blanchard semblait vouée au bonheur. Héritière d’une faïencerie réputée pour ses motifs picards, elle vivait à l’abri du besoin.

Refusant tous les partis qui s’étaient présentés car elle les soupçonnait d’en vouloir à son argent, elle avait, un soir de Ducasse, rencontré l’amour.

Il était si beau, il avait l’air d’un ange ! Ses longs cheveux bouclés aux reflets dorés tombaient sur ses reins, mettant en valeur sa silhouette de poète.

Hélas, il ne s’inclina pas devant elle et il invita une jeune femme à l’aspect étrange et sauvage.

Ils dansèrent avec grâce et sensualité.

Désappointée, Agnès regagna son château situé à Marchiennes, coquette petite ville du Nord sur les bords de la Scarpe où elle aimait se promener, escortée par son majordome et sa dame de compagnie.

Broyant du noir à cause du dédain du bel inconnu, elle résolut, un jour, de se promener seule le long de la Scarpe en espérant que le destin lui apporte son soutien.

Pas de bel inconnu à l’horizon. Par contre, elle buta sur le corps allongé près d’une souche d’une femme qu’elle reconnut : c’était la partenaire d’un soir de l’élu de son cœur. Elle était profondément endormie et sur la souche reposait un adorable bébé.

Répondant à une impulsion subite, Agnès s’empara du nourrisson et partit dans sa maison de campagne située au Catellet, hameau de Marchiennes, en pleine nature, isolée, parfait abri pour une femme en rupture sociale.

L’enfant était une jolie petite fille. Sur son bavoir le nom de Lola était brodé au point de croix. La petite fille sourit à l’énoncé de ce prénom et la mère voleuse décida de le garder.

Au fil des jours, veillés amoureusement par une mère possessive, Lola grandit.

Décidée à ne pas verser dans un réalisme qui aurait pu nourrir les doutes de l’enfant sur ses origines, Agnès se coupa du monde, ce qui provoqua un retard affectif de Lola.

Tout se passa très vite le jour où la mère de Lola se présenta à sa porte.

Avec l’idée fixe de la chasser à jamais, Agnès réalisa tardivement que Lola avait disparu. Elle tenta de la retrouver, en vain.

Dévastée par le chagrin, elle installa la poupée de porcelaine laissée par Aurore dite créature des bois dans le lit de la petite fille.

Toutes ses investigations demeurèrent vaines et lorsqu’une affiche présenta Lola comme une enfant abandonnée, elle se garda bien de contacter la gendarmerie.

Elle paya un musicien ambulant pour qu’il revendique la paternité de l’enfant, espérant retrouver l’enfant chérie par ce biais mais cette tentative connut un échec définitif.

Afin de relancer l’enquête sur le mystère des origines de Lola, le lieutenant de gendarmerie Bertrand Dutilleul convoqua le prétendu père, le plaça en garde à vue sous le motif d’une déclaration mensongère égarant volontairement la maréchaussée.

Pressé de questions et aspirant à retrouver sa liberté, le musicien finit par avouer la vérité et prononça le nom d’Agnès Blanchard.

Appréhendée à son tour, Agnès Blanchard passa d’autant plus rapidement aux aveux que l’on trouva chez elle la poupée en porcelaine mentionnée et dessinée par Lola ainsi que des toilettes appartenant à l’enfant.

Le juge se prononça pour une détention provisoire, estimant que la prévenue pourrait à nouveau user d’un stratagème pour reprendre l’enfant même si on la laissait en liberté surveillée.

Bertrand Dutilleul fit une entorse au règlement : il se rendit aux Bleuets pour offrir la poupée à Lola.

«  Je crois savoir où je pourrai m’en procurer une, toute semblable, pour les besoins de l’enquête » assura-t-il à Ophélie et il la quitta sur un salut réglementaire.

Ophélie acheta une maison de poupée où Lola installa Boucle d’Or : elle avait choisi ce nom en raison de son amour pour le conte.

Certaine d’obtenir gain de cause, Ophélie entreprit des démarches officielles pour adopter Lola et c’est dans cette attente qu’elles reprirent leurs activités.

Elles firent de courtes promenades dans le bourg de Maroilles car il était temps que Lola, si longtemps confinée dans un espace restreint, s’ouvre au monde.

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