lundi 24 juin 2024

Aimer

 

 

 

Saadia,

Louange à Dieu seul,

Baisse les yeux,

Embrasse la main du maître.

Qu’Allah te donne la vie éternelle.

 

Marie, petite Marie

Aux yeux de pervenche,

Ton regard est clair

Comme les ruisseaux d’avril.

Tu souris et tout semble

Renaître autour de toi.

Ton enfant se penche amoureusement

Sur ton sein inépuisable.

 

Saadia,

As-tu bien préparé le repas ?

N’oublie pas les amandes grillées !

Ta robe s’est déchirée.

Vite il te faut être belle :

Le maître va rentrer.

 

Marie, tu poses ton ouvrage

Ta broderie et tes livres.

Paisible, tu ouvres la fenêtre

Pour regarder frissonner les peupliers.

Les sources de ton être

Jaillissent en perles véritables ;

Tu joues négligemment avec le diamant de ta bague.

Saadia,

Le palmier s’est brisé.

La tempête ne t’a pas épargnée.

Tu es toute mouillée,

Tes cheveux sont dénattés

Et frappent le vent avec un bruit de fléau.

Hâte-toi, tous les fruits du cellier sont gâtés.

Tu dois faire des biscuits et préparer le thé.

 

Marie, douce Marie

Je vous aime.

Vous êtes si belle et si pure,

Vos mains sont un enchantement.

Elles sont douces et sentent le jasmin

Votre joue est si parfumée qu’on s’enivre

Jusqu’à s’en étourdir à la baiser.

 

Saadia,

File la laine.

Tes doigts entaillés, abîmés

Font courir le fuseau si vite

Qu’il naît une chanson.

Ce refrain, le connais-tu ?

C’est celui de toutes les mères,

Un refrain de misère et de recueillement.

Veux-tu le chanter à haute voix ?

Saadia, belle déesse,

Ta beauté même n’est rien

Qu’un leurre de mortel.

Ton corps souple et ferme a crié

L’inlassable nouvelle :

Le maître va rentrer.

Ton œil noir s’est éclairé

D’une ombre radieuse.

Que Dieu te garde et te laisse la santé

Ô mon époux à la main fière et généreuse.

Marie, Marie,

Comme vous êtes jolie dans ces draps blancs !

Votre tête repose avec tant de grâce

Sur les dentelles de l’oreiller.

Comme on aime vous embrasser !

Vos lèvres sont douces et sentent la moisson.

Marie, vous êtes un don du ciel.

 

Saadia,

Hâte-toi

Prépare le beau tapis de laine

Que tu as toi-même tissé à la saison des pluies

Souviens-toi, tu y as laissé l’empreinte des arcs-en-ciel.

Lave le grand plat d’argent

Fais cuire l’agneau, sans oublier les épices.

Frotte la théière des invités,

Le maître va rentrer

Louange à Dieu
Merci mon Dieu

Le maître, mon époux est rentré

 

Marie,

Qu’est-ce ?

Rien, ou plutôt si, peu de chose

Juste un souffle de vent

Sur les magnolias,

Un rêve de petite fille.

Marie,

Entends-tu le bruit de la brise sur les orangers ?

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