Saadia,
Louange à Dieu seul,
Baisse les yeux,
Embrasse la main du maître.
Qu’Allah te donne la vie éternelle.
Marie, petite Marie
Aux yeux de pervenche,
Ton regard est clair
Comme les ruisseaux d’avril.
Tu souris et tout semble
Renaître autour de toi.
Ton enfant se penche amoureusement
Sur ton sein inépuisable.
Saadia,
As-tu bien préparé le repas ?
N’oublie pas les amandes grillées !
Ta robe s’est déchirée.
Vite il te faut être belle :
Le maître va rentrer.
Marie, tu poses ton ouvrage
Ta broderie et tes livres.
Paisible, tu ouvres la fenêtre
Pour regarder frissonner les peupliers.
Les sources de ton être
Jaillissent en perles véritables ;
Tu joues négligemment avec le diamant de ta bague.
Saadia,
Le palmier s’est brisé.
La tempête ne t’a pas épargnée.
Tu es toute mouillée,
Tes cheveux sont dénattés
Et frappent le vent avec un bruit de fléau.
Hâte-toi, tous les fruits du cellier sont gâtés.
Tu dois faire des biscuits et préparer le thé.
Marie, douce Marie
Je vous aime.
Vous êtes si belle et si pure,
Vos mains sont un enchantement.
Elles sont douces et sentent le jasmin
Votre joue est si parfumée qu’on s’enivre
Jusqu’à s’en étourdir à la baiser.
Saadia,
File la laine.
Tes doigts entaillés, abîmés
Font courir le fuseau si vite
Qu’il naît une chanson.
Ce refrain, le connais-tu ?
C’est celui de toutes les mères,
Un refrain de misère et de recueillement.
Veux-tu le chanter à haute voix ?
Saadia, belle déesse,
Ta beauté même n’est rien
Qu’un leurre de mortel.
Ton corps souple et ferme a crié
L’inlassable nouvelle :
Le maître va rentrer.
Ton œil noir s’est éclairé
D’une ombre radieuse.
Que Dieu te garde et te laisse la santé
Ô mon époux à la main fière et généreuse.
Marie, Marie,
Comme vous êtes jolie dans ces draps blancs !
Votre tête repose avec tant de grâce
Sur les dentelles de l’oreiller.
Comme on aime vous embrasser !
Vos lèvres sont douces et sentent la moisson.
Marie, vous êtes un don du ciel.
Saadia,
Hâte-toi
Prépare le beau tapis de laine
Que tu as toi-même tissé à la saison des pluies
Souviens-toi, tu y as laissé l’empreinte des arcs-en-ciel.
Lave le grand plat d’argent
Fais cuire l’agneau, sans oublier les épices.
Frotte la théière des invités,
Le maître va rentrer
Louange à Dieu
Merci mon Dieu
Le maître, mon époux est rentré
Marie,
Qu’est-ce ?
Rien, ou plutôt si, peu de chose
Juste un souffle de vent
Sur les magnolias,
Un rêve de petite fille.
Marie,
Entends-tu le bruit de la brise sur les orangers ?
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