vendredi 7 juin 2024

Effervescence au manoir

 




Le manoir d’Aurélien bruissait comme une ruche tant les préparatifs du bal allaient bon train.

Le comte avait magnifié sa demeure en commandant un tableau surprise à un peintre de renom.

Francis le Valenciennois s’était embusqué dans les bois où Madelon avait coutume de récolter les trésors nourriciers qui formaient son quotidien.

Son cahier de croquis à la main, Francis avait esquissé la silhouette de la jeune fille et à l’aide d’un miroir réfléchissant, il avait réussi à capter les détails du beau visage de l’ensorcelante Madelon.

De retour à l’atelier, Francis s’inspirait de ses esquisses pour brosser le tableau qui lui était commandé par Aurélien de Brabant.

Il travaillait avec d’autant plus de plaisir et d’ardeur qu’il était, lui aussi, subjugué par l’étonnante beauté, quasi surnaturelle de celle qui avait enflammé le cœur du comte.

Lorsque le tableau fut terminé, il eut de la peine à s’en séparer. Une fois la livraison faite, il peignit Madelon pour son propre plaisir et se jura de ne jamais s’en séparer.

«  Qui de nous est la belle » ? disait la belle-mère d’une orpheline dans un conte kabyle rapporté par Marguerite Taos Amrouche, divine romancière et chanteuse à la voix d’or.

Il serait difficile d’opérer un choix pour le prix de la plus belle toile pensait Francis mais il lui semblait néanmoins que son tableau, peint avec le pinceau de l’amour, avait un supplément d’âme.

Le portrait de sa belle d’amour séduisit le comte et lorsqu’il fut accroché à la place d’honneur de la salle d’apparat du manoir, il lui sembla que le soleil était dorénavant son hôte principal.

Tout à sa contemplation, Aurélien fut brusquement tiré de sa rêverie par son personnel qui réclamait son approbation pour leurs préparatifs concernant l’orchestre, le choix musical, la composition du buffet et l’emplacement des corbeilles fleuries commandées pour honorer la reine du bal.

La décision fut de rigueur : il y aurait des quadrilles, des masurkas, des valses et des danses traditionnelles qui permettraient des échanges et de la diversité.

Des aspics de poulet, de la truite en gelée, du brochet aromatisé au citron et à la sauge, des langues de Lucullus à la Valenciennoise, des coupelles de pousses printanières et fleurs comestibles servies avec des fioles de vinaigrette maison occupaient une partie des tables tandis que l’autre présentait fièrement les plus belles pâtisseries du manoir, tartes à la crème et aux pruneaux, gaufres fourrées, diplomates à la gelée de cassis, mille-feuilles et gâteaux russes.

Des carafes de muscat, de sirop d’orgeat et d’eau de source seraient renouvelées pour que les danseurs puissent retrouver un nouveau souffle.

Ninon qui avait des dons artistiques composa en secret l’effigie de Madelon et l’orna de fleurs symboliques, pensées, roses, violettes, pervenches et muguet de telle sorte que cette statue florale fut le pendant du tableau de maître qui resplendissait comme un autre soleil au centre de la pièce d’apparat.

Rien ne fut laissé au hasard. On plaça des flambeaux dans le jardin et l’on planta des orangers.

Aurélien envoya le carrosse et une escorte le jour J et il fit les cent pas en attendant l’arrivée de sa dame d’amour.

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