samedi 15 juin 2024

Rozen aux yeux de mer

 



Au cœur de la Bretagne profonde, près du Val-sans-Retour où régnait la fée Morgane, vivait une jeune fille courtisée par les jeunes gens du village.

Rozen à qui l’on donnait la métaphore « aux yeux de mer » avait hérité de sa grand-mère une jolie maison confortable et meublée à la mode bretonne. Elle y vivait avec bonheur, brodant, lisant, écrivant ou dessinant selon l’inspiration du moment.

Un jour, un violoniste passa par là. C’était un artiste d’origine hongroise et il était reconnu pour sa virtuosité.

Il prit place à l’unique café du village, commanda une bolée de cidre et une galette de sarrasin garnie de jambon, de fromage et d’un œuf miroir. Il fit honneur à ces produits du terroir puis réclama un café.

Ce breuvage était accompagné d’un gâteau qui portait le nom du village «  Tréhorenteuc ». C’était la création du pâtissier du bourg.

Ce fut une découverte pour Fidélio, le violoniste des Carpates car cette pâtisserie proche du Montpensier et surmontée d’une pâte d’amandes à l’effigie d’une fée locale était tout simplement délicieuse.

Baigné dans cette atmosphère féérique, Fidélio avait l’impression que ses paupières menaçaient de fermer le rideau c’est pourquoi il sortit de ce café où il se jura de revenir et partit à la recherche des fées dont on lui avait tant parlé.

Parvenu au Miroir aux fées, non loin de l’ Arbre d’or sculpté sur le squelette d’un hêtre calciné et recouvert de feuilles d’or, il sortit son violon et joua une Csardas avec ferveur.

C’est alors que survint une fée.

Elle avait de jolis yeux couleur de mer et ses beaux cheveux tombaient en vagues blondes sur ses reins.

«  Etes-vous Viviane ou Morgane, fée aux yeux océan »demanda Fidélio ?

« Ni l’une ni l’autre, je ne suis qu’une jeune fille ordinaire. J’habite une modeste maison non loin d’ici et je venais m’approvisionner en fruits des landes qui me serviront à composer un tableau idyllique de la forêt de Brocéliande. Je me nomme Rozen pour vous servir ».

Enchanté par la réponse de la déesse à la jupe fleurie, Fidélio joua quelques accords de sa csardas.

Rozen l’invita à venir prendre le thé chez elle, ce qu’il accepta avec joie.

En découvrant le domaine de l’artiste car c’en était une au vu des créations qui décoraient sa demeure, Fidélio eut l’impression que des notes de musique qui lui étaient familières étaient décorées de fleurs et composaient une symphonie inédite.

Il saisit son violon et improvisa une valse dont il se promit d’écrire la partition.

Rozen apporta le thé à la fin de la prestation et tous deux dégustèrent ce délicieux breuvage. Un nuage rose ourlé de pourpre passa et les enveloppa dans un cocon couleur de dragée.

Ce moment de grâce passé, Fidélio prit congé de son hôtesse, lui promettant de revenir, la symphonie achevée, pour lui en donner la primeur.

Cette promesse artistique les lia comme un serment et chacun reprit ses occupations en attendant que le rêve revienne.

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