vendredi 14 juin 2024

Le portrait-phare




Afin de mettre la réception de ses enfants sous le signe de leur mère, Aurélien redonna au portrait de Madelon sa place initiale, au centre de la pièce principale. La table des grands jours avait été dressée.

Le menu respectait l’amour de Madelon pour les trésors de la nature. Un gravelax de truite de rivière, aromatisé à l’aneth et à la sauge, enrichi de cubes de fromage de chèvre, de violettes des bois, d’émincés de champignons et d’amandes grillées serait servi avec un accompagnement de riz en timbale aux pistaches et une vinaigrette à base d’huile d’olive et de vinaigre vieilli en fût de chêne.

Ce plat inédit portait le joli nom d’Ode à la rivière.

Quant à la suite des plats, elle était à l’avenant et le clou du dîner serait une Dame à l’éventail, un composé de glace, de biscuit et de crème légère aromatisée à la rose.

La robe de la dame qui ressemblait à Madelon était émaillée de framboises, de groseilles et de myrtilles.

La sculpture gourmande avait été possible grâce à un moulage réalisé à partir d’une sculpture réalisée par Sir Francis, heureux de participer, une fois encore, à la célébration de la femme dont il avait été amoureux en secret.

En arrivant, Amour et Virginie furent attirés par le tableau qui représentait leur mère dans tout l’éclat de sa jeunesse et de sa beauté.

Aurélien de Brabant les accueillit avec chaleur et prononça ces mots :

«  Soyez les bienvenus, enfants chéris de la femme que je connus autrefois et que je souhaitais épouser. Un contre-temps nous a séparés mais je n’ai jamais cessé de penser à celle qui avait enflammé mon cœur avec une telle force qu’il m’a fallu entreprendre un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle pour reprendre goût à la vie et songer à prendre femme ».

Puis il se tourna vers Hélène et lui offrit l’étole de soie que portait sa mère lors de son voyage vers le manoir : il la gardait comme une relique.

Amour sut gré au comte de ne pas charger la mémoire de leur père car, pour l’avoir connu, il se doutait que ce dernier avait enlevé Madelon pour donner libre cours à sa passion subite et à un désir furieux suscité par la beauté de la jeune femme.

Hélène et Louis, les enfants d’Aurélien,  donnèrent le bras aux invités notoires et chacun se dirigea vers la table richement décorée de chandeliers en or, de faïence aux motifs floraux et de bouquets savamment créés avec des lys, des roses, des fougères ciselées, de houx et de bruyère en fleurs.

«  Cette table sera immortalisée par mes pinceaux » assura Sir Francis qui participait à la fête.

Le repas fut une source de plaisir et l’on applaudit avec chaleur la Dame à l’éventail.

«  Elle est si belle que je crains de commettre un sacrilège en y mettant la dent » dit Amour, au comble de l’émotion.

« Je reconnais bien là l’esprit de votre mère » dirent en chœur Sir Francis et le comte qui rirent de cet ensemble parfait.

Pour la dernière libation, un vin rosé pétillant qui portait le nom d’Esprit de Madelon, le comte prononça ces mots avec solennité et ferveur :

«  Madelon, reine incontestée des rivières et des bois, tu es enfin revenue chez toi ! Que chacun garde en son cœur ton souvenir charmant ! Vive l’amour » ! Cette conclusion détendit l’atmosphère et les hôtes du manoir se tournèrent désormais vers les deux couples qui assureraient, avec bonheur, la pérennité de la déesse florale, Fleur de Victoire, la bien nommée !

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