mercredi 12 juin 2024

Le bal de Virginie

 


Pour célébrer les dix huit ans de Virginie, le duc Amour de la Baltique ordonna que des invitations soient envoyées dans les comtés et les duchés voisins pour participer à un grand bal.

Leur mère, Madelon dont la beauté avait été sublimée jadis par Sir Francis de Valenciennes avait quitté ce monde.

Elle était morte comme elle avait vécu, à la manière d’une fleur qui s’étiole, perd ses pétales et touche le sol.

Son dernier bocal de baies rouges achevé, elle avait rendu l’âme, serrant dans sa main droite une boucle d’oreille jadis offerte par son amant de cœur Aurélien de Brabant.

« Diable ! Une invitation pour aller à un bal provenant d’un certain Amour de la Baltique, Igor a certainement rendu son âme au diable ! Nous pouvons donc nous y rendre, mes chers enfants dit Aurélien de Brabant qui avait perdu sa douce épouse Héloïse de Flandre à la naissance de leur deuxième enfant, un fils prénommé Louis ». Sa sœur Hélène avait cajolé cet enfant, lui servant de mère.

Après une toilette appropriée, le comte et ses enfants partirent en calèche et parvinrent, le jour suivant, au pied des murailles du château.

Jadis lugubre et menaçant, le château avait subi un ravalement qui lui donnait une apparence mondaine et chaleureuse.

Aurélien eut l’agréable surprise de retrouver son vieil ami Sir Francis qui avait aussi reçu une invitation, le duc pensant qu’un grand nom de l’art chéri par sa mère, avait sa place dans ce bal.

Le buffet était composé de mets aux saveurs forestières en hommage à Madelon qui n’avait pas cessé de collecter les fruits de la terre.

Terrines de foies de volailles et de champignons des bois, jambon cuit à la broche avec un enduit de miel forestier, clouté de girofles, coupelles de jeunes pousses aromatisées à l’huile de noisette et au vinaigre de framboises, une composition de Madelon, auxquelles on avait ajouté des cerneaux de noix, des pignons de pin et des cubes de fromage du duché apporteraient aux danseurs fatigués un réconfort de bon aloi.

Babas au rhum, gâteaux russes, tartes aux pruneaux, à la rhubarbe et aux fraises des bois complétaient ce buffet prestigieux.

L’orchestre joua une valse. Chacun avait les yeux rivés sur le choix du duc Amour. Qui inviterait-il pour ouvrir le bal ?

Amour s’inclina devant Hélène et lui tendit la main qu’elle accepta, avec l’assentiment de son père.

Louis invita audacieusement la reine du bal, Virginie dont l’éclatante beauté surclassait les dames de la soirée.

En regardant la cavalière de son fils, Aurélien eut un choc en forme de flash-back : Madelon, le grand amour de sa vie, enlevée sur la route qui la conduisait à un bal donné pour la glorifier par le comte de Brabant, lui était rendue !

Ainsi donc l’éblouissante Virginie était sa fille ! Le nœud de l’intrigue fut enfin dénoué et Aurélien espéra que leurs enfants connaissent le bonheur qui leur avait été refusé.

Les amours allèrent bon train et de nombreux couples, après s’être restaurés, se promenèrent dans les allées des jardins illuminés pour la circonstance.

Aurélien et Francis se réjouirent de voir s’effacer la malédiction qui avait pesé sur leur jeunesse.

Le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle porte enfin ses fruits dit sentencieusement le peintre dont les pinceaux frémissaient déjà à la perspective de tableaux de famille.

D’un commun accord, les deux amis prirent la décision de regagner leur foyer, laissant l’attelage du comte à la disposition de ses enfants.

Francis se chargerait de reconduire Aurélien en son manoir.

Ils remercièrent chaleureusement Amour pour son magnifique accueil et la réussite de ce bal qui resterait à jamais gravé dans les mémoires.

Aurélien invita le duc et sa sœur à venir le voir en son manoir et Francis profita de ce moment privilégié pour offrir ses services et ses pinceaux au maître de maison.

Ils s’éclipsèrent dans l’attelage de Francis et après avoir informé Hélène et Louis que la calèche paternelle leur était laissée pour leur retour, ils partirent vers le manoir, heureux de voir la beauté fascinante de Madelon, fleur de victoire,  perdurer.

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