mardi 11 juin 2024

Pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle


Au désespoir, Aurélien de Brabant passa par toutes les étapes du chagrin. L’enlèvement de Madelon, l’élue de son cœur, lui rappelait la mort de son premier amour, la douce Pervenche qu’il avait ravie à Igor de la Baltique.

Il aura voulu se venger et je ne doute pas que la grande beauté de Madelon l’ait envouté au point de vouloir en faire son épouse. Que puis-je entreprendre pour le contrer ? Une guerre sans merci ? J’ai promis à ceux qui sont sous ma responsabilité de leur garantir la paix. De plus, avec ses hautes murailles, le château est quasiment imprenable se disait-il amèrement.

Le portrait de Madelon illuminait la salle d’apparat que le modèle ne connaîtrait pas de sitôt.

Il demanda à Francis le Valenciennois, le peintre talentueux qui avait capté de ses pinceaux l’énigmatique beauté de Madelon, révélant son âme, de venir lui tenir compagnie.

Les deux hommes noyèrent leur chagrin en buvant des hanaps d’eau de vie.

Francis avoua au comte qu’il lui avait envié sa situation et que la belle des belles avait capté ses forces vives et ses pensées.

Aurélien confia à l’artiste qu’il désirait entreprendre un pèlerinage à Saint-Jacques-de -Compostelle car seule une volonté divine pouvait dénouer le nœud gordien de sa destinée.

Il révéla à Francis ce qu’il n’avait dit à personne, la mort tragique de Pervenche, son premier amour, empoisonnée à son insu par un breuvage apporté par l’une de ses servantes achetée par le diabolique Igor de la Baltique.

On retrouva le carrosse d’or qui avait été stoppé par les bandits aux ordres du duc. Le parfum de Madelon flottait encore dans le réceptacle du luxueux véhicule.

Cocher, valets et suivantes n’étaient plus qu’un tas d’ossements.

Le comte leur fit donner une sépulture et dota leurs familles d’une pension conséquente et de libéralités.

Une étole de soie blanche brodée par Madelon fut retrouvée dans le carrosse. Aurélien s’en para et après avoir demandé à son personnel d’obéir à Sir Francis de Valenciennes comme à lui-même, il entreprit un long voyage, à pied, vers Saint-Jacques-de-Compostelle.

Vêtu à la manière des pèlerins, portant la coquille qui était la marque du voyage initiatique, chaussé de guêtres confortables, le comte partit sur les routes poudreuses, faisant halte chez les moines, dans les cloîtres, pour obtenir le gîte et le couvert.

Au cours de sa progression, sa douleur, si vive, se muait en une ardente prière et lorsqu’il parvint au but, il s’agenouilla dans la cathédrale et laissa couler ses larmes.

Pervenche et Madelon ne faisaient qu’une et tandis qu’il murmurait des prières empreintes de ferveur et d’espoir, il se sentait transporté dans un univers parallèle où le divin l’emportait sur les passions terrestres.

Quand il revint en son manoir, il était un autre homme.

Il prit la décision de s’en remettre à la Providence, remercia chaleureusement Sir Francis de Valenciennes qu’il avait anobli de sa gestion du domaine. L’artiste avait enrichi les pièces du manoir de tableaux à la saisissante beauté.

Des compositions magnifiant les récoltes, les vergers et le travail opéré par les hommes et les femmes attachés au service du comte.

Ces tableaux donnaient au manoir un charme absolu qui reléguait le portrait de Madelon à une place inférieure.

Aurélien remercia une fois encore son ami, lui donna de nombreuses pièces d’or malgré ses dénégations puis il lui commanda un tableau de la Vierge Marie portant un enfant dont elle verrait plus tard le supplice.

Enfin apaisé, Aurélien songea sérieusement à trouver une épouse qui lui donnerait un bel héritier. Fort de ce projet, il fit décrocher le portrait de Madelon, l’enveloppa dans une soierie et lui trouva une place dans une pièce réservée à la méditation et à l’écriture dont il était le seul à posséder la clef.

Ses nuits furent étoilées, à l’image du champ des étoiles qu’il avait gagné, son bâton de pèlerin à la main.

 

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