Dame Aurore

 

«  Enfin une visite » ! s’écria chaleureusement Dame Aurore en ouvrant la porte heurtée par une Jade, déterminée, au départ, à ruser sous une identité fantaisiste.

Elle décida, sur le champ, de se présenter en sa qualité de journaliste de Nord Matin et elle précisa qu’elle ne publierait rien qui ne fût approuvé par la propriétaire d’une maison aussi fabuleuse, le vocable «  Maison des Contes » contenant sa part de mystère.

«  Vous avez carte blanche car j’ai lu tous vos articles parus dans Nord Matin et j’ai apprécié votre style et votre retenue dans de subtiles affaires. J’ai surtout beaucoup aimé les tableaux divers que vous avez présentés, mettant Fleur-Lez-Lys en valeur : de ce fait, on en concluait que le label «  petite cité de caractère » était tout à fait justifié » !

Sur ces mots, Dame Aurore introduisit la jeune femme dans un élégant boudoir.

Elle s’excusa de la laisser seule car elle devait aller dans la cuisine préparer le thé.

Jade put apprécier l’élégance de la pièce, meublée de manière originale et dotée de fauteuils profonds où il faisait bon rêver, un livre à la main ou un carnet d’écriture à la Rousseau.

Dame Aurore revint avec une desserte garnie de tasses, d’une théière en porcelaine de Chine et de cannelés dont elle savait que tous les habitués de «  Chez Marius » étaient friands.

«  Je ne sais pas faire les cappuccinos » souligna-t-elle, prouvant ainsi qu’elle se tenait au courant des menus détails de la vie quotidienne à Fleur-Lez-Lys, en particulier de ce que l’on servait  «  Chez Marius ».

Jade était en effet une adepte des cappuccinos et des cannelés et Marius n’attendait pas qu’elle passe commande et il lui préparait tout de suite ces gourmandises pour la servir avec diligence.

« Je serai heureuse, en vérité, que vous parliez de moi et de ma maison des contes dans Nord Matin poursuivit-elle en servant la jeune femme.

Je dois avouer que j’ai été très déçue à mon arrivée à Fleur-Lez-Lys, de n’être reconnue par personne car j’ai vécu, enfant, dans ce village, fréquentant l’école publique et partant ensuite, par admission sur concours, au lycée de Douai.

Je ne m’attendais pas à une haie d’honneur mais ce silence suivi d’une sorte de suspicion m’ont un peu affectée mais comme le disent les apôtres : nul n’est prophète en son pays » !

Un silence bleu s’établit qui fut interrompu par des chants d’oiseaux.

«  Ce sont des rossignols du Japon que j’ai installés, en volière, dans ma véranda » précisa Dame Aurore et toutes deux se dirigèrent vers les jardins où apparut, éblouissante et féerique, la fabuleuse maison en pain d’épices dont Jade fit des croquis afin que s’en régalent les lecteurs de Nord Matin.